En hommage à son père écrivain proche de Proust, Anne de Lacretelle publie Tout un monde, Jacques de Lacretelle et ses amis. Ce beau portrait d’un homosexuel amoureux de sa femme, hédoniste ascète de la plume et philosémite ami des Morand ressuscite une époque révolue.
Avec La Vie inquiète de Jean Hermelin (1920), Silbermann (1922) et La Bonifas (1925), Jacques de Lacretelle (1888-1985) connaît une rapide et belle renommée, fondée sur un talent de narration et d’analyse conjugué à l’audace dans le choix de ses sujets [tooltips content= »De La Bonifas, interprétée par Alice Sapritch à la télévision dans un film de Pierre Cardinal (1968), Anne de Lacretelle dit qu’elle est transgenre. Quant à Jean Hermelin, il serait sans doute aujourd’hui diagnostiqué autiste. »][1][/tooltips]. Et paraît, derrière la sensibilité maîtrisée, le moraliste – si loin des moralisateurs –, l’observateur attentif, le contempteur des médiocrités banales.
Anne de Lacretelle est la fille de Jacques [tooltips content= »Jacques de Lacretelle, héritier d’une famille qui comptait deux académiciens, est élu au fauteuil d’Henri de Régnier, le 12 novembre 1936. Très impliqué dans la renaissance du Figaro, à la Libération, il est nommé vice-président de la SA de ce journal, conseiller permanent à la direction, et membre du conseil de surveillance. »][2][/tooltips] et de « Souriceau », née Yolande de Naurois. Elle publie Tout un monde, Jacques de Lacretelle et ses amis, qui s’apparente à une biographie, mais qui évoque le philtre libéré d’un flacon, les effluves d’un temps révolu, les éclats de voix qui se sont tues, la grâce d’une société aimable. Et l’on est intrigué, puis séduit, emporté par l’évocation de cet homme volontiers distant et paradoxal, citoyen d’une patrie littéraire : un jour, Anne surprend Jacques, « le regard perdu, une larme coule sur sa joue […] Paul Valéry est mort ». Succédant à Jacques de Lacretelle à l’Académie française, Bertrand Poirot-Delpech écrit, dans son discours, le 29 janvier 1987 : « Le notable dont vous regrettez la finesse affable était pétri de contradictions, dont est né son art. Châtelain, mais qui change de château ; enraciné, mais avec une âme d’errant, à l’écart de tous les troupeaux ; héritier, mais attiré par le risque des courses et des jeux ;
