Honnêtement, si Michaël Darmon et Yves Derai ne me m’avaient pas envoyé Belle-Amie avec leurs « amitiés confraternelles », je pense que je ne l’aurais pas acheté, me contentant des bonnes feuilles parues dans le Nouvel Obs. J’aurais eu tort. Ça faisait longtemps que je n’avais pas pris autant de plaisir à lire un livre d’actu. Le dernier à m’avoir fait cet effet-là est La Dame des 35 heures, la bio extrêmement peu autorisée de Martine Aubry par Philippe Alexandre et Béatrix de l’Aulnoit.
Passons sur ce qui est présenté comme la révélation du bouquin : l’éclosion d’une nouvelle piste pour la paternité de Zohra, celle du procureur général du Qatar. Les auteurs ont poussé l’info révélée par Le Point en fin d’année dernière. Rachida Dati entretient une relation étrange avec le confetti pétrolier du Golfe. Selon Darmon et Derai, Rachida aurait succombé aux charmes d’un certain Ali Al Marri, un type de son âge, qui serait le papa de Zohra. Pour appuyer leur thèse, les deux journalistes évoquent les trois voyages mensuels de Dati au Qatar les premiers mois de sa grossesse, puis les visites régulières à Paris d’Al Marri à partir du moment où Rachida n’a plus pu prendre l’avion. Selon eux, Al Marri aurait aussi offert des bagues d’une valeur de plusieurs milliers d’euros à la jeune maman. Cela en fait-il pour autant le papa ?
La recherche en paternité n’est de toute façon pas le plus croustillant de ce travail. Non, le plus réussi est le récit de l’ascension de cette Chalonnaise « issue de la diversité » vers les sommets de la Ve République. Ses tactiques, ses réseaux, ses coups tordus et, fort logiquement, les cadavres qui s’entassent dans ses placards. Rachida Dati n’est pas la Cosette que l’on imagine (ou qu’elle voudrait que l’on imagine). En vrai, Rachida, c’est le croisement de Wilhelmina Slater, la méchante de Ugly Betty et de Jill Abbott sa collègue des Feux de l’amour. Une arriviste capable d’écrire des dizaines de lettres aux puissants à base de « J’adore ce que vous faites, je rêve de travailler avec vous » pour s’attirer leurs faveurs. Taillable et corvéable à merci pour ceux qui peuvent lui être utiles, tant qu’ils peuvent lui être utiles, les délaissant en un claquement de doigts dès qu’ils ne sont plus assez bankables à son goût. Une manipulatrice qui vampirise le talent des autres pour se mettre en avant.
Le livre regorge d’anecdotes délicieuses qui n’appellent qu’un jugement : « Quelle garce ! » Mais une garce géniale et magnifique. Qui parvient à se faire une place auprès de Nicolas Sarkozy puis de Cécilia, qu’elle manipulera lors de sa première love story avec Attias pour se faire un trou au gouvernement (où elle épuisera une armée de collaborateurs). Jusqu’à l’arrivée de Carla Bruni dans la vie de Sarko, qui précipitera sa chute.
Parfois pathétique, souvent géniale, Rachida Dati apparaît comme une sacrée maligne qui n’aurait pas dépareillé dans le casting de Dallas ou Dynasty… Je serais presque tenté de lui écrire que j’adore ce qu’elle fait et que je rêverais de travailler avec elle.
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