C’est un débat en bois comme nos politiques aiment tant en susciter. Depuis que l’Assemblée nationale a sanctuarisé la loi Veil par le vote à la quasi-unanimité d’une résolution reconnaissant un « droit à l’avortement », les sept députés réfractaires passent pour des héros aux yeux de la Manif pour tous. Certes, comme l’a rappelé David Desgouilles, en son temps, pour faire passer la pilule à la majorité UDR-RPR, Simone Veil avait justifié la légalisation de l’avortement en invoquant l’exception, et non quelque droit subjectif. Reste que le quarteron de parlementaires, de l’ex-FN Jacques Bompard au député-maire UDI de Neuilly Jean-Christophe Fromantin, veut avant tout complaire à un électorat catho-tradi qui n’a toujours pas digéré la potion d’il y a quarante ans.
D’aucuns pensent en effet que Jean Foyer not dead, et n’hésitent pas à traiter d’affreuses eugénistes les femmes qui ne se sentent pas la force d’élever un enfant handicapé, ou les jeunes filles qui ne se résolvent pas à ce que l’irruption d’un marmot inattendu gâche leur vie. Les absolutistes du droit à la vie me répondront à raison qu’on n’élimine pas un fœtus comme on s’arracherait un point noir. On ne m’ôtera pourtant pas de l’esprit l’idée pasolinienne selon laquelle l’avortement est peut-être indéfendable, mais son droit inaliénable. Comme de bien entendu, Natacha Polony a magistralement résumé l’illusion lyrique des « mal-pensants » : « considérer que les femmes seraient vouées à l’enfantement pour venir garantir la puissance de la nation ou parce la vie qui apparaît en elles serait sacrée, c’est également les réduire à l’état d’objet. Il y a là conflit de légitimités, et dans ce cas, on choisit le moindre mal. Ce moindre mal est-il un droit? Oui, puisqu’il garantit aux femmes leur intégrité physique » argumente-t-elle. Moralité : qui s’oppose à la résolution de la semaine dernière, conteste l’esprit, sinon la lettre de la loi Veil, avec laquelle certains rêvent encore d’en découdre.
Quoique minoritaire, cette position est parfaitement respectable en démocratie. En ce cas, pourquoi se cacher derrière son petit doigt en fustigeant une dangereuse dérive du système « libéral-libertaire » ? À force d’abuser de cette expression, nos amis veilleurs font jouer la toupie à la dépouille de feu le penseur marxiste Michel Clouscard. Eh oui, les degôche n’ont jamais eu le monopole du simplisme, de l’anathème et des réflexes pavloviens…
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