On n’est pas loin du coup de grâce. Asséné sans élégance. Quelques semaines après avoir été tabassé un soir alors qu’il promenait son chien, Samuel Mayol, le directeur de l’IUT de Saint-Denis, est lâché par sa hiérarchie. Accusé de « manipulation islamophobe », il vient d’être suspendu de ses fonctions ce jeudi par le président de l’Université Paris XIII, Jean-Loup Salzmann. Ce dernier dit avoir « pris cette décision pour répondre à la situation préoccupante des personnels de l’IUT », plongé depuis deux ans « dans un climat conflictuel et de suspicion généralisée ».
Puisque l’heure est à la suspicion, procédons à un petit rappel des faits. Vendredi 16 octobre, la direction de Paris XIII avait déposé une main courante, suspectant Samuel Mayol d’avoir introduit des tapis de prière dans le local d’une association « pour jeter le discrédit sur la présidence de l’université en laissant penser qu’elle tolère le prosélytisme religieux en son sein ». Mais ce n’est pas tout. Selon la présidence de l’Université, « certains agents de l’IUT auraient », avec l’accord de Samuel Mayol, « bénéficié de congés indus, comptabilisés de manière parallèle, en dehors du logiciel de gestion habituel ». Enfin, Mayol est soupçonné de conflit d’intérêts par sa hiérarchie, pour avoir signé une convention de partenariat entre l’IUT et le CFA Codis, un organisme de formation aux métiers du commerce qui se trouve être l’employeur de son épouse. On ignore encore si Mayol est jugé coresponsable du réchauffement climatique mais, à l’approche de la Cop21, et compte tenu du climat pourri qui règne à Saint-Denis, plus rien ne nous étonnerait…
Mais redevenons sérieux. Et parlons de ce fameux climat délétère. En octobre 2012, Samuel Mayol a mis fin à la vente non autorisée de sandwiches par une association étudiante étrangement proche du site « Baytul-Mahdi », des chiites imamites moyennement modérés. Un an et demi plus tard, en février 2014, le directeur l’IUT tente de récupérer les clés du local pour qu’il bénéficie aussi aux autres associations étudiantes. En vain. Le jour dit, une alerte à la bombe est déclenchée.
Comme l’atteste un rapport de l’Inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche, Samuel Mayol a mis un terme aux tentatives de détournement de fonds auxquelles s’adonnait Rachid Zouhhad, le directeur du département « Techniques de commercialisation ». Au printemps 2014, Rachid Zouhhad est officiellement destitué lors d’un conseil de l’IUT.
En juillet 2015, l’Université se décide enfin à vider le local de l’association mise en cause. Monsieur Tétard, un des enseignants présents sur les lieux, constate alors la présence de 26 tapis. Deux jours après, une main courante est déposée contre Samuel Mayol à la suite de la découverte « de plusieurs tapis de prières supplémentaires (une vingtaine de petits formats), par rapport à une précédente visite le 24 juillet ». Mais Samuel Mayol dispose d’arguments en sa faveur. Et de soutiens de premier plan…
Le 26 octobre, le directeur de l’IUT reçoit un prix qui ne colle pas vraiment avec les accusations portées à son encontre. Au côté du pianiste-compositeur turc Fazil Say, il est lauréat du Prix de la laïcité 2015. Rien que ça. À l’Hôtel de Ville de Paris, en présence d’Anne Hidalgo et de Manuel Valls, qui emploie des mots choisis : « Le Comité Laïcité République a toujours été en pointe, quitte à déplaire. » Comprenne qui pourra. Et le Premier ministre de donner du « cher Samuel Mayol» en ajoutant que la mobilisation autour des valeurs de la laïcité, doit aussi concerner l’Université ».
Bilan des courses : la probité de Samuel Mayol lui vaut, deux semaines plus tard, une suspension. Pour son avocat, Maître Richard Malka, « tout est bidonné ». D’après lui, « il s’agit de museler Mayol pour ne pas parler des malversations qui ont lieu au sein de l’Université. » Mieux encore : pour l’avocat du directeur de l’IUT désormais suspendu, il existe « des liens forts entre les personnes mises en cause par ces malversations et le directeur de l’Université, Jean-Loup Salzmann ».
Une procédure d’urgence a été engagée auprès du tribunal administratif pour contester sa suspension. Selon son avocat, Samuel Mayol est « très heureux que les juges se penchent sur ces accusations ». Ils pourraient mettre au jour les entourloupes et l’enfumage ayant cours depuis « plus de dix ans ». On attend la suite avec impatience.
*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00728239_000003.
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