La star des acteurs comiques italiens Checco Zalone a choqué un certain nombre d’internautes qui voient dans la bande-annonce de son prochain film une apologie du racisme et de la xénophobie.
À 42 ans, Checco Zalone est la star des acteurs comiques italiens. Son premier film en tant que réalisateur, Tolo Tolo, sort dans les salles transalpines le 1er janvier 2020 et s’annonce comme un succès. Sa bande-annonce chantée réussit la gageure de ne rien dévoiler de l’intrigue tout en faisant scandale. « Immigrato » (« immigré ») a en effet choqué un certain nombre d’internautes qui y voient une apologie du racisme et de la xénophobie digne des plus belles heures de l’empire mussolinien.
Un mendiant trop présent
Résumons cette petite comédie musicale filmée dans les rues de Rome. L’Italien (très) moyen qu’incarne Zalone rencontre à la sortie du supermarché un jeune immigré africain parfaitement bilingue qui lui demande un fifrelin. Il le retrouve à la station essence puis au feu rouge. Excédé, Zalone lui tend une pièce, sort de sa voiture et esquisse quelques pas de danse, rejoint par la file des automobilistes en fredonnant : « Immigré, combien de pièces t’ai-je déjà données ? Immigré, tu m’as pris toute ma recette. » À l’heure du déjeuner, notre quidam rentre chez lui où il retrouve son épouse en compagnie du même mendiant africain vêtu d’une robe de chambre.
Virage candauliste
Loin d’être apeurée, sa femme fait risette au malandrin et l’invite à danser collés-serrés. Le mari visiblement cocu et pas très content entonne : « Immigré, on dirait que tu t’es vraiment intégré » avant de lui demander « mais pourquoi es-tu venu vers moi ? Tu pouvais aller chez mon voisin pakistanais, ou chez le Roumain qui sous-loue le troisième étage. Dis-moi pourquoi. » Et son invité surprise de répondre rieur : « L’Italien d’abord ! », détournant ainsi le slogan de Matteo Salvini. Si certains twittos antifascistes se déchaînent, la presse a massivement pris le parti de Checco Zalone qui n’en est pas à sa première provocation.
Par le passé, il avait soutenu une association contre la sclérose en plaques dans un clip où il reprochait à un tétraplégique de s’être garé sur sa place de parking… Il faut croire que les handicapés du second degré ont moins d’humour.
« On ne peut plus rien dire… »
Il y a quelques jours, Zalone s’est expliqué dans un entretien au Corriere della sera, célèbre quotidien de centre-gauche. S’y révèle un humoriste subtil, doublé d’un fin observateur de la vie politique, voire d’un moraliste aux constats accablants. Comme Gaspard Proust récemment, l’acteur-réalisateur dénonce le règne de la pensée unique (un truisme aux yeux des lecteurs de Causeur mais un vent d’air frais dans le monde étouffant du chobizenesse). « Malheureusement, on ne peut plus rien dire. L’unique chose atroce chez nous, c’est la psychose du politiquement correct. Il y a toujours une communauté ou un groupe d’intérêt pour se vexer ». Aux cerveaux lents qui le taxent de racisme, il réplique par l’ironie, confirmant au passage certaines interprétations de son clip. D’après un youtubeur, Immigrato met en scène un italien méridional monté à Milan, qui emploie à dessein des expressions nordistes pour mieux faire oublier sa condition de cul-terreux. Natif de Bari, l’apulien Zalone sait de quoi il parle… « Je ne suis pas raciste, même vis-à-vis des habitants de Salnte (Ndlr : ville des Pouilles) qui sont les véritables bouseux (Ndlr : « terroni », terme péjoratif pour désigner les Italiens du sud. J’en profite pour demander des excuses aux habitants de Foggia (Ndlr : autre bourgade des Pouilles). Je prie aussi aux Calabrais de m’excuser : dans mon dernier film, il y a une blague terrible sur la ville de Vibo Valentia »
L’Afrique de la botte
Ses détracteurs en seront pour leurs frais. Sans rouler pour qui que ce soit, Zalone confie avoir successivement voté pour Berlusconi puis Renzi, qualifiant Salvini de « grand communicant » et « petit malin » qui « essaie de devenir un peu démocrate-chrétien ». Bien vu : le recentrage euro-compatible du Capitano irrite sa base la plus eurosceptique ! Le week-end dernier, à Milan, le grand congrès de la Lega, qui a consacré sa « nationalisation » et enterré la vieille Ligue du nord séparatiste a d’ailleurs réveillé les vieux préjugés auxquels Zalone fait allusion. Voûté et malade, le fondateur de la Lega nord Umberto Bossi s’est fendu d’un discours pied-de-nez à la tribune, embarrassant son successeur. En substance, l’ancien ministre de Berlusconi, partisan historique de l’indépendance du nord, a lancé : « Le sud, c’est un peu comme l’Afrique. Il faut l’aider, sinon sa population va se répandre ici ! » Pour couper l’herbe sous le pied de ses opposants, Salvini a dû se fendre d’une vidéo Facebook où il réaffirme sa solidarité avec tous les Italiens. De quoi ressouder mangeurs de polenta et de pizzas ? Après tout, chacun a ses immigrés…
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