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Israël, la démocratie nazifiée

Zeev Sternhell raconte n'importe quoi sur la réalité de l'Etat juif


Israël, la démocratie nazifiée
Délégation israélienne aux Jeux olympiques d'hiver 2018. Sipa. Numéro de reportage : AP22163422_000426.

Zeev Sternhell raconte n’importe quoi sur la réalité de l’Etat juif.


« Tout ce qui est excessif est insignifiant » : le mot de Talleyrand conserve toute sa pertinence y compris pour tout ce qui touche à Israël, tant l’excès en la matière est la règle première. L’excès était déjà inscrit dans les gènes de cette terre trop promise où devait couler « le lait et le miel » et qui bien plus tard fut promise à « des rivières de sang » de la part de ceux qui ne conçoivent leur avenir radieux que dans l’anéantissement de l’Autre. La vérité d’Israël se trouve probablement entre ces deux pôles extrêmes. Ce pays d’Israël dont le père fondateur, David Ben Gourion, estimait qu’il deviendrait normal quand on y trouverait des voleurs et des prostituées, serait-il donc devenu normal ? Il y a bien dans cette Terre sainte, des voleurs, des escrocs et des prostituées. Par contre, ce qu’on ne rencontre pas (encore) ce sont des SA armés de longs couteaux, pourchassant des arabes. Personne n’y a écrit de Mein Kampf juif, il n’y a pas de texte sacré prônant la « guerre sainte » et les camps d’extermination pour les malades mentaux (pourtant nombreux dans la région) ne font pas partie des projets du gouvernement Netanyahu.

Une accusation stupide et diffamatoire

La tribune de Zeev Sternhell, publiée dans Le Monde du 19 février, présente des prophéties de malheur dont l’outrance les détruisent sitôt énoncées. Employer les mots de nazisme ou de prénazisme pour qualifier des évolutions idéologiques à l’intérieur d’Israël est aussi stupide que diffamatoire. Il y a sans nul doute en Israël des racistes anti-arabes, des racistes anti-chrétiens et des suprémacistes Juifs illuminés. Il y a eu des terroristes juifs ayant attaqué des arabes, des maires de villes arabes ou bien ayant attaqué des pacifistes juifs. Il y a surtout eu, et c’est le plus grand drame d’Israël, un terroriste juif, un fanatique nationaliste religieux ayant assassiné dans le dos, le Premier ministre Yitzhak Rabin en 1995. Tout ceci est vrai, mais tout ceci ne représente pas des hordes en chemise brune prêtes à prendre le pouvoir. La société israélienne reste une société démocratique où un juge arabe, membre de la cour suprême, envoie en prison un président de l’Etat condamné pour viol. C’est dans ce même Etat qu’un Premier ministre est obligé de démissionner pour avoir omis de déclarer un vieux compte en banque à l’étranger. On aimerait pouvoir en dire autant dans nos démocraties libérales qui vivent en paix.

Libre comme BDS en Israël

Mais, selon Sternhell, l’Etat juif serait sur une très dangereuse pente le menant à terme à sa perte. C’est en effet dans cet Etat d’apartheid qu’une députée arabe, Haneen Zoabi, membre de la Knesset, ayant participé à la « flottille de la paix » en mai 2010, sitôt débarquée en Israël, se précipite à la tribune du Parlement dont elle est membre, pour dire toute la haine que lui inspire le pays dont elle est élue. Un autre exemple vient confirmer la relégation raciste dont serait victime la population arabe : M. Barghouti, créateur et animateur du mouvement BDS, est diplômé de l’université de Tel Aviv. Lorsqu’un soldat ne respecte pas les consignes de guerre et abat un terroriste blessé, il est condamné et va en prison. Cependant, pour certains, ce pays d’apartheid, inspire une telle répulsion à leurs esprits lucides qu’ils y publient en toute liberté, la manière dont ce peuple juif a été inventé, comment la terre d’Israël fut aussi inventée et comment, résolument dégoûtés par tant de mensonges, ils ont décidé de cesser d’être juifs.

A lire aussi: Zeev Sternhell, savant utile de l’antisionisme – Par Elisabeth Lévy

Dans l’histoire des mythes politiques émancipateurs, nombreux sont ceux qui conditionnent leurs succès à l’anéantissement de l’ennemi : croisades, Terreur révolutionnaire, table rase communiste, djihad islamique, génocide turc des Arméniens, génocide nazi des Juifs, génocide polpotien du Cambodge, génocide Hutu du Rwanda, etc. Nous devons faire remarquer que de tous les mythes politiques émancipateurs nés au XIXe siècle, le seul qui ne se soit pas (encore) transformé en barbarie au XXe ou au XXIe reste (à ce jour) le sionisme.

Les partis de Dieu vouent Israël à la mort

Zeev Sternhell nous annonce le contraire, et le pire étant (dans la région) le plus sûr, le nazisme serait aux portes d’Israël. On avait déjà prédit à Israël, par un jeu mimétique avec ses voisins, une orientalisation intellectuelle nuisible à l’esprit des Lumières, peu partagé au Proche orient. Il est vrai qu’avec les divers progressismes arabes environnants, celui des Ben Bella, Nasser, Hafez Al-Assad, Kadhafi, Saddam Hussein, Mengistu, Habache , Hawatmeh, Arafat et quelques autres, il devenait difficile de garder le cap et l’esprit confiant dans un souci prioritaire de justice pour les peuples de la région. A l’échec de ces progressismes des divers FLN, Baas, FPLP, FDPLP, OLP, a donc succédé le retour à l’identité des origines inaugurée par la révolution islamique en Iran (1979). L’effet contagieux a promu ses diverses métastases FIS, GIA, Al-Qaïda, Etat islamique. Cette nouvelle étape s’est affirmée à la fois dans la surenchère identitaire concurrente (sunnite/chiite) autant que dans une surenchère de massacres contre leurs propres peuples. Cependant, cette rivalité se fond dans une haine partagée prioritaire: celle d’Israël et accessoirement celle des Juifs. Les programmes des partis de Dieu, qu’ils soient sunnites ou chiites, sont à cet égard dénués de toute ambiguïté : Israël n’est voué qu’à un seul sort, celui de sa destruction. Le djihad étant un commandement divin, personne sinon des apostats, ne saurait s’y soustraire.

L’imaginaire de la guerre d’Algérie calqué au Levant

Ces données culturelles ont-elles été prises en compte par tous les esprits éclairés en Occident ? En percevant le monde arabo-islamique à travers une grille de lecture plus idéologique qu’anthropologique, c’est exclusivement dans la catégorie du colonisé luttant pour sa libération, que fut inscrit le récit de la guerre d’Algérie. Peu importait que celui-ci ait pu omettre quelques grandioses bavures : le massacre de Mélouza (1957) où la population d’un village entier fut exterminée par le FLN ou bien encore le massacre des européens d’Oran  (5 juillet 1962) La fin progressiste justifiait les moyens et personne ne voulut percevoir le projet totalitaire autant que celui de purification ethnique déjà en germe dans les résolutions du congrès de la Soummam (1956). Le principe stratégique islamique de la « taqiya », c’est à dire « avancer masqué » fut ignoré par tous les porteurs de valises seulement inspirés par l’anticolonialisme. Ce n’est que bien plus tard que Jean François Lyotard et Pierre Vidal-Naquet ont reconnu avoir sous-estimé la part religieuse, islamique, du mouvement indépendantiste algérien.

La même lecture a conditionné la perception du conflit israélo-arabe, puis israélo-palestinien autant que judéo-islamique. Cependant, en décalquant sur le Proche Orient la carte idéologique de la guerre d’Algérie, la gauche en particulier, n’a voulu en retenir, que l’apparence d’images substitutives : celle de l’impérialisme occidental dont Israël serait la figure de proue, contre un peuple opprimé. Pourtant le récit arabe et palestinien en particulier, n’est pas avare de crimes arabo-arabes : ceux de Damour, commis par les milices « palestino progressistes » contre les chrétiens (1976) de Tal el Zaatar, par les syriens et les milices chrétiennes (1976) commis contre les palestiniens sont à mettre au compte de cette même logique. La guerre actuelle en Syrie suffit amplement à le confirmer : ni l’usage d’armes chimiques par Hafez Assad puis son fils Bachar, ni le siège du camp palestinien de Yarmouk voisin de Damas, ni les 250 000 morts comptabilisés à ce jour, ne provoquent d’indignations arabo-arabes.

Oubliée la Shoah

A partir de 1967, la victoire israélienne de la guerre des Six-jours, va progressivement renverser le statut symbolique du « signe » Israël. Moshe Dayan remplaçait Massu dans les imaginaires de gauche et quand vint l’heure de Sharon, celui-ci remplaçait Aussaresses dans un schéma pré pensé. En 1982, la première guerre du Liban constitua le premier moment visible de cette reconstruction. « Les palestiniens dans Beyrouth comme les Juifs dans le ghetto de Varsovie » titrait Témoignage chrétien, (un hebdomadaire de gauche, issu de la Résistance), sans pour autant nommer les nouveaux nazis. Ce glissement symbolique visant à qualifier l’Etat des victimes comme étant devenu celui des bourreaux ne va pas quitter la doxa médiatique. Israël doit être le nouveau monstre nazi qu’il est juste de haïr, avec les effets que l’on sait : quand Gaza souffre, Sarcelles s’enflamme.

Oublié le petit Etat refuge pour les survivants de la Shoah, oubliée la Shoah elle-même puisque après 68 il était possible d’en contester la réalité au nom du « il est interdit d’interdire », puis la shoah commémorée par les mêmes au nom du « devoir de mémoire », puisque ces mêmes Juifs devenus israéliens faisaient subir aux palestiniens ce que eux mêmes avaient subi. Il fallait séparer le bon grain du Juif victime de l’ivraie israélienne impérialiste. Oubliées les exaltations arabes rêvant de jeter les juifs à la mer, oubliés les appels au djihad de Yasser Arafat. La dénonciation des israéliens devenus les nouveaux colons nazis tueurs d’enfants suffisait à éponger la culpabilité des européens, autant que la double culpabilité de la France. Vichy autant que la guerre d’Algérie passaient à la trappe d’une bonne conscience retrouvée à moindre frais.

La honte de Durban

Pourquoi ce détour et ces rappels ? Ce qui précède saurait-il disculper l’Etat des Juifs de ses pêchés capitaux actuels ? D’ailleurs l’ONU ne s’y est pas trompée. Depuis la résolution de votée en 1975 assimilant le sionisme à un racisme, bien qu’abrogée en 1991, par le jeu des majorités automatiques, l’ONU n’a guère modifié sa ligne idéologique dominante. Son institution chargée de veiller aux droits de l’homme sur la planète terre a condamné tous les ans avec une régularité exclusive les atteintes aux droits de l’homme, les méfaits, les tortures, les crimes perpétrés par Israël à l’encontre des palestiniens. Seul Israël menacerait l’harmonie du monde. A Durban, l’été 2001, c’est à l’instigation de cette même commission de l’ONU, qu’une conférence chargée de faire le point sur l’état du racisme dans le monde fit la promotion de l’antiracisme antijuif. C’est au nom de l’antiracisme qu’on y entendit des « Mort aux Juifs ».

L’UNESCO, chargée de la culture dans le monde n’est pas en reste puisqu’elle conteste régulièrement tout lien historique entre le passé juif de la terre de Palestine et l’Etat d’Israël. Les liens entre Jérusalem et l’histoire juive ne seraient que le produit d’affabulations insanes dont le célèbre complot sioniste serait le grand ordonnateur. Et quand Donald Trump reconnut l’évidence d’une histoire, la bobosphère progressiste fut saisie de convulsions unanimes. Pourtant Trump n’avait rien dit qui limitât cette ville à être la capitale du seul Etat d’Israël. Ainsi vont les constructions idéologiques et les mouvements diplomatiques qui souvent les accompagnent.

Chirac dans le piège de la politique arabe

La France, dans ces affaires complexes, n’a pas une position facile. Débarrassée du boulet algérien, De Gaulle eut l’idée d’une « politique arabe de la France ». Faute de pétrole il fallait bien avoir des idées. Quelles furent elles ? Le peuple « sur de lui même et dominateur » fut déjà, faut il le rappeler, l’objet d’un boycott proposé par la Ligue arabe auquel se soumit le gouvernement de Raymond Barre. Son souci exclusif pour les « français innocents » se retrouvait dans sa politique étrangère. Plus grave encore fut la vente par Jacques Chirac, d’un réacteur nucléaire à l’Irak de Saddam Hussein. La politique du Quai d’Orsay illustre la duplicité d’une diplomatie nostalgique de ses illusions. Malgré des agressions subies (l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamarre (1981), l’attentat contre les soldats français à Beyrouth (1983), malgré de bien piètres résultats, c’est Jacques Chirac qui vient honorer en personne à Damas, les funérailles de Hafez Al-Assad avant d’honorer, à Paris, en grandes pompes celles d’Arafat.

Tandis que les chrétiens d’Orient, les Coptes, les Yézidis, disparaissent sous les massacres islamiques, la France supposée en être la puissance protectrice s’efface impuissante. Au contraire, c’est Israël qui est régulièrement dénoncé comme le fauteur de guerres par un groupe d’ambassadeurs à la retraite conduits par son excellence Yves Aubin de la Massuzière. Louis Massignon ne fut pas Lawrence d’Arabie. Plus tard la préconisation de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères, de nommer Daech plutôt qu’Etat Islamique, pour ne pas froisser les susceptibilités musulmanes, n’eut aucun effet préventif contre les tueurs de Charlie hebdo ou du Bataclan.

L’échec d’Obama contre l’islamisme

Sur un terrain voisin, le pari de Barack Obama de contenir l’essor de l’islam politique fut, de la même manière, une tentative vaine non payée en retour. Le discours bienveillant de l’université du Caire à l’adresse du monde musulman, en présence de représentants des Frères musulmans, d’une part, la volonté acharnée de conclure un accord sur le nucléaire iranien, d’autre part, ont été perçus comme autant de signes de faiblesse par ceux dont la « guerre sainte », le djihad, constitue l’ossature psychique et culturelle. Cette faiblesse a un bénéficiaire immédiat : la Russie de Poutine tire (provisoirement) les marrons du feu du retrait américain tandis que dans une allégresse autodestructrice le chaos ravage le Proche Orient : la Syrie et l’Irak comptent leurs morts par centaines de milliers. Malgré cet effroyable désastre c’est toujours l’ennemi sioniste qui mobilise les passions arabes et musulmanes.

Pourquoi rappeler ce qui précède avec l’actuel moment israélien ? Parce que pour comprendre ce pays il faut à la fois le situer dans un espace, sur une carte et le situer dans l’histoire. Israël est un marqueur, un révélateur. Le rapport à Israël ou au « signe juif » dit l’état de celui qui l’adule ou le hait. Selon que la position du curseur sur l’échelle des passions qui l’affectent, Israël agit comme un révélateur. Ce sont autant de symptômes mauvais dans l’Europe démocratique qui réapparaissent quand on scande « mort aux Juifs » dans les rues de Paris ou quand certains, en Pologne, veulent attribuer aux Juifs une part de responsabilité dans leur mise à mort. Le signe juif sert de baromètre pour le climat idéologique. Sous la pression des flux migratoires ce sont toutes les questions liées à l’identité qui se posent avec acuité. Les habitants de Cologne, les femmes en particulier, se sont rendus compte de la difficulté de certaines cohabitations la nuit du nouvel an 2016. Sous la pression de l’islam et de ses épigones agressifs, c’est la notion nouvelle de sécurité culturelle qui se pose comme un enjeu de société en France et en Europe.

Misère de l’antiracisme obtus

Toute critique de l’islam ou des crimes qui sont commis en son nom est désormais qualifiée de raciste ou d’islamophobe. L’antiracisme obtus ne veut pas  voir le piège conceptuel qui lui est tendu. « L’islamophobie est un nouveau mot qui a été inventé pour que les aveugles restent aveugles », a écrit Salman Rushdie première victime du projet totalitaire conçu par les Frères musulmans. Tandis que le terrorisme islamiste frappe désormais l’Europe et la France en particulier, on peut prendre la mesure aujourd’hui du succès de cette offensive idéologique menée sous le généreux masque de l’antiracisme. Après avoir été massivement « Charlie » en 2015, voilà que certains doutent de cette solidarité, intégrant ainsi la culpabilité d’avoir blasphémé le prophète. La guerre idéologique est complémentaire de la guerre par les armes. Pour l’avoir affrontée en première ligne, Israël demeure la cible première de cette nouvelle guerre mondiale.

Ce que les Européens refusent encore de percevoir c’est que ce qu’ils vivent aujourd’hui, Israël a à l’affronter depuis sa naissance. Ce que les européens ne comprennent pas c’est que ce qui menace Israël, les menace. Ce que les européens se refusent à voir c’est que c’est Israël qui se trouve su la ligne de front. « Si Israël tombe, nous tomberons tous » a déclaré l’ancien premier ministre espagnol José Maria Aznar. Cette déclaration est-elle dénuée de fondements ?

« L’entité sioniste », source unique du malheur arabe?

Quel peuple peut sereinement vivre son présent quand il a pour mémoire celle de sa destruction et pour perspective d’avenir une destruction programmée par ses voisins ? Quel peuple pourrait simultanément négocier avec un partenaire/ennemi qui simultanément lui dénierait tout droit à l’existence ? Cette situation c’est celle qui est faite à Israël depuis 70 ans. Ceux qui ont osé briser ce refus principiel sont excommuniés ou assassinés. Le tabou Israël constitue le facteur premier de l’aliénation arabe car il interdit à ce monde de penser sa propre régression. « L’entité sioniste » serait la source unique du malheur arabe et du malheur palestinien. Pour son malheur le peuple palestinien est prisonnier de ce que certains de ses leaders ont construit comme une rente éternelle. Aucune autre cause, aucun autre peuple souffrant d’un déni de ses droits n’est autant subventionné pour perpétuer son sort. Ni les Kurdes, ni les tibétains, ni les Yézidis n’ont droit de la part des diverses institutions, associations internationales à autant d’attention, à autant de subventions. Le sort des « réfugiés » palestiniens se perpétue de générations en générations. A la fin de la seconde guerre mondiale, des frontières ont été déplacées, des millions de personnes furent déplacées, pour pouvoir enfin donner à ces peuples des cohérences viables. L’indépendance de l’Inde, le partage avec le Pakistan, a aussi déplacé des millions de personnes. On sait ce qu’il advint de la Yougoslavie désormais détruite pour avoir saccagé ses équilibres précaires. Si le leadership palestinien avait souhaité construire son Etat, il y serait parvenu depuis les accords d’Oslo, même avec une solution bancale, mais une Palestine libre aurait existé. Ce fut le choix de Ben Gourion acceptant le plan de partage de l’ONU en 1947, refusé par toutes les parties arabes, alors que la Palestine ne figurait encore sur aucune carte. C’est bien parce que le rêve palestinien relève moins du projet de construction d’un Etat indépendant que celui de détruire Israël, que ce conflit perdure. Il faut être sourd et aveugle pour ne pas le comprendre.

Sternhell contre les Lumières et le judaïsme

La lecture d’une carte de géographie suffit pour réaliser l’étendue de cette sinistre farce : Israël a la surface de trois départements français entouré d’Etats arabes ou musulmans allant de l’Atlantique à l’océan indien et ce serait ce minuscule Etat qui voudrait dévorer les autres ?

C’est à un renversement des responsabilités historiques que Sternhell nous convie aujourd’hui. Pour s’éloigner autant des Lumières que de l’esprit du judaïsme et encore plus de l’idéal sioniste des pères fondateurs, voilà Israël trainé dans une boue tellement répugnante qu’elle interdit toute critique raisonnable de la politique de son gouvernement. On peut ne pas aimer la politique de ce dernier, on peut s’injurier à la Knesseth, et les israéliens ne s’en privent pas, mais induire l’idée qu’Israël est sur la voie du nazisme, est une calomnie tellement énorme qu’elle oblige tout Juif soucieux du sort d’Israël à se solidariser avec son gouvernement. Il y a des mots imprononçables pour attaquer la politique d’Israël et l’historien Sternhell, mieux que quiconque aurait du le savoir. Ce gauchisme saura séduire les grands cœurs et les grandes âmes de Jeremy Corbin à  Edgard Morin ou  Jean Ziegler et fera ressusciter n’en doutons pas, Stéphane Hessel. Il permettra de perpétuer le malheur de tous.

C’est à Vladimir Jankélévitch, qu’il faut laisser la conclusion. L’auteur de L’imprescriptible sait reconnaître et nommer le Mal : « L’antisionisme est la trouvaille miraculeuse, l’aubaine providentielle qui réconcilie la gauche anti-impérialiste et la droite antisémite; l’antisionisme donne la permission d’être démocratiquement antisémite. Qui dit mieux? Il est désormais possible de haïr les juifs au nom du progressisme! Il y a de quoi avoir le vertige. Ce renversement bienvenu, cette introuvable inversion ne peuvent qu’enfermer Israël dans une nouvelle solitude. Car le fait que la droite ait toujours haï et persécuté les juifs est une chose normale et presque rassurante, puisqu’elle est en quelque sorte née pour cela. C’est sa vocation et sa profession. Tout est donc dans l’ordre. Mais avoir perdu l’appui de la Gauche, cela ressemble à un châtiment métaphysique! Oui, elle est très difficile à porter, cette ironie cruelle du renversement: devoir mendier appuis et alliances auprès de ceux qui ont toujours détesté les juifs et qui aujourd’hui trouvent un avantage tactique à soutenir Israël, voilà l’ironie tragique par excellence. Pourquoi fallait-il qu’elle fût réservée aux survivants d’Auschwitz ? »[tooltips content= »Quelquepart dans l’inachevé. Entretiens avec Béatrice Berlowitz, Gallimard, 1978. »]1[/tooltips]

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Jacques Tarnero est essayiste et auteur des documentaires "Autopsie d'un mensonge : le négationnisme" (2001) et "Décryptage" (2003).

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