La nouvelle de la réélection de Barack Obama est tombée, mercredi 7 novembre, en Israël, à l’heure où les gens effectuent leur trajet quotidien vers leur lieu de travail. Elle n’a pas augmenté d’un décibel l’intensité du concert d’avertisseurs qui retentit chaque jour en début de matinée sur le périph’ de Tel Aviv, constamment au bord de l’apoplexie. En cet automne exceptionnellement chaud − 30 degrés à l’ombre, mais il n’y a pas d’ombre ! −, l’élection présidentielle d’outre-Atlantique n’a suscité que des passions tièdes. Une fois établi l’accord de principe des deux candidats sur le renforcement de l’alliance stratégique des États-Unis avec l’État juif, le peuple d’Israël est retourné à ses affaires.[access capability= »lire_inedits »] La majorité aurait, certes, préféré voir Mitt Romney l’emporter, car son discours était perçu comme plus ferme que celui du Président sortant, en particulier sur la question du nucléaire iranien. Mais il y a belle lurette que les Israéliens ont compris qu’un candidat, même républicain, a tendance à oublier les belles paroles de campagne une fois installé dans le Bureau ovale.
Les soucis des gens ordinaires concernent principalement, à Tel Aviv comme à Paris ou New York, le prix des loyers, celui du Caddie au supermarché, et les potions amères fiscales qui se mijotent dans les cuisines gouvernementales… Pour le reste, c’est-à- dire savoir si l’on va faire la paix ou la guerre, la société civile, naguère polarisée sur le sujet, s’en remet à ses dirigeants politiques et militaires pour faire au mieux, ou au moins mal dans une situation jugée « moyenne » par les humoristes locaux : moins bonne qu’hier, mais meilleure que demain ! Une seule épreuve de vérité : le nucléaire iranien.
Néanmoins, la réélection de Barack Obama n’est pas une bonne nouvelle pour le premier ministre Benyamin Nétanyahou : sa préférence affichée pour Mitt Romney et le feuilleton de ses heurts avec l’administration Obama I donnent des munitions à ses principaux adversaires : dans la campagne électorale en cours pour le renouvellement de la Knesset, qui aura lieu le 22 janvier 2013, ces derniers ne manquent pas de faire valoir qu’il serait plus judicieux de porter au pouvoir des dirigeants n’ayant pas ouvertement oeuvré à la défaite du Président des États-Unis. Ces arguments ne devraient pas, cependant, provoquer le départ de Benyamin Nétanyahou. Israël, d’abord, connaît encore une croissance insolemment positive au regard de celle des pays de l’UE (4,7% en 2011). D’autre part, tacticien chevronné, « Bibi » a décidé de faire liste commune pour les législatives avec Israël Beitenou, le parti de la droite nationaliste du ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, ce qui assure de plus au bloc de droite la certitude d’être le premier parti dans la future Knesset. Enfin, la grande majorité de l’opinion fait confiance à Nétanyahou pour défendre les intérêts sécuritaires du pays dans cette phase périlleuse : il est le seul qui dispose d’une longue pratique de la vie internationale et d’un réseau d’influence aux États-Unis. Il ne faut pas oublier que, même réélu, Barack Obama se trouve face à un Congrès pratiquement inchangé depuis sa cuisante défaite de 2010, un levier sur lequel Nétanyahou sait appuyer quand il faut lorsque le Président a des velléités de lui imposer une ligne qui lui déplaît.
Enfin, l’heure est plutôt à tenter de préserver les accords conclus avec l’Égypte et la Jordanie, menacés par la montée en puissance des islamistes radicaux dans ces deux pays, qu’à forcer un accord israélo-palestinien rendu impossible par la persistante querelle entre le Fatah et le Hamas… Cela, Barack Obama le sait tout autant que Nétanyahou. Mais l’épreuve de vérité se jouera autour de la question du nucléaire iranien, aussi bien pour Obama que pour Nétanyahou : le premier doit prouver au second que sa stratégie fondée sur les sanctions économiques et diplomatiques s’est révélée juste et le second, qui ne croit pas une seconde que les mollahs se laisseront détourner de leur objectif, doit persuader une partie de l’establishment militaire israélien que l’arsenal nucléaire iranien doit être détruit, avec ou sans l’aval des États-Unis. C’est la stratégie du hérisson : en boule et tous piquants dehors, jusqu’à ce que l’on y voie plus clair.[/access]
*Photo : AJstream.
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