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Israël et les Etats arabes souhaitent la réélection de Trump


Israël et les Etats arabes souhaitent la réélection de Trump
Le prince saudien Mohamed Ben Salman reçoit le président américain Donald Trump, mars 2018. Auteurs : Kevin Dietsch/NEWSCOM/SIPA. Numéro de reportage : SIPAUSA31455793_000026

Les Arabes pouvant compter sur Donald Trump pour obtenir des armes sans limitation, ils souhaitent aussi ardemment sa réélection que le gouvernement israélien. Dans un Moyen-Orient polarisé autour de l’ennemi iranien, qu’adviendra-t-il en cas de victoire de Joe Biden ?


 

Benyamin Netanyahou n’est pas seul à souhaiter la réélection de Donald Trump en novembre 2020. Les États arabes, en particulier ceux du Golfe, sont préoccupés par les sondages qui prévoient l’échec du président actuel par 41% contre 50%. En cas de victoire, le candidat démocrate Joe Biden pourrait se glorifier d’avoir imposé un mandat unique à Donald Trump dans un cas de figure rare, celui de la non-réélection d’un président sortant. Alors qu’au début de l’année, l’élection était une formalité pour le candidat républicain, le coronavirus a rendu le résultat imprévisible. La crise économique et sanitaire a certes été une des raisons de la désaffection de l’électorat républicain, mais le coup de grâce a été donné après le meurtre de George Floyd qui a réveillé les stéréotypes racistes, oubliés depuis longtemps.

De vieux candidats

Les observateurs politiques s’étonnent qu’aux États-Unis les candidats de valeur soient rares, préférant les affaires à la politique. Les Américains sont donc contraints de se rabattre sur les vieux politiques peu disposés à envisager la retraite. Alors l’élection se fera par défaut ; les citoyens voteront contre un candidat plutôt que pour celui de leur choix car la roue a tourné et ils pénalisent celui qui aura détourné l’économie de la situation de beau fixe dans laquelle elle était plongée. Quelques États décideront en fait du vainqueur. Joe Biden est en tête dans six États symboliques à savoir le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Floride, l’Arizona et la Caroline du nord où Trump avait gagné de justesse en 2016. En raison des difficultés économiques, le président sortant a perdu la confiance de ceux qui approuvaient  sa politique populiste mais qui le condamnent à présent à cause de la résurgence du chômage.

Les Démocrates ont de fortes chances de prendre le Sénat aux Républicains et le contrôle des trois branches de la gouvernance. Mais Trump ne paie pas uniquement pour la crise du coronavirus, il paie pour son arrogance et son narcissisme et même pour son racisme. Ses adversaires ne seront pas déçus car ils caressent ce rêve depuis le début de son mandat, espérant chaque jour le voir détrôné.

25 milliards de vente d’armes

Une grande déception saisit aujourd’hui les États arabes, et ceux du Golfe en particulier, qui avaient apprécié l’«accord du siècle» de Trump parce qu’il grignotait une partie des ambitions israéliennes. Ils savaient qu’ils pouvaient aussi compter sur Israël pour les soutenir ouvertement contre l’Iran dont la capacité de nuisance était loin de s’estomper malgré les sanctions américaines. Les Américains s’étant désengagés, d’une certaine manière Israël s’était substitué à eux en tant qu’ogre chargé de faire peur.

Les Arabes pouvaient compter sur Trump pour obtenir des armes sans limitation. D’ailleurs les ventes ont plus que doublé en valeur durant ces derniers mois. Des accords de 25 milliards de dollars ont été signés avec neuf pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord  alors que le montant en 2018 n’était que de 11. D’ailleurs à l’échelle mondiale, avec Trump au pouvoir, les ventes d’armes américaines ont augmenté de 42% cette année, pour atteindre un total de près de 70 milliards de dollars, le niveau le plus élevé depuis 2010, avec plus d’un tiers du total mondial pour le seul Moyen-Orient. En Afrique du nord, le Maroc a été le plus gros client avec des ventes qui se sont élevés à 10 milliards de dollars, pour des F-16 et 36 hélicoptères d’attaque AH-64E Apache. Les autres pays du Golfe, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Qatar, l’Arabie saoudite et le Koweït, ne sont pas en reste avec 14 milliards de dollars d’accords. C’est pourquoi tous ces clients sont inquiets de l’avenir de leur approvisionnement militaire.

L’inconnue Biden

Qu’en serait-il demain avec Joe Biden qui pourrait s’aligner sur les gouvernements européens qui ont bloqué les ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis sous prétexte qu’ils combattent au Yémen ? Au Royaume-Uni, une décision de justice a entraîné la suspension des ventes d’armes à l’Arabie saoudite, bien que le gouvernement de Londres ait à plusieurs reprises enfreint ses propres engagements à cet égard. En fait, les Occidentaux donnent l’impression de vouloir vendre des armes uniquement pour les défilés, en ayant pris le soin de jauger au préalable les ennemis de leurs clients.

Trump a accepté ces ventes d’armes malgré l’opposition du Congrès américain qui avait émis des réserves en raison de la guerre civile qui fait rage au Yémen, et pour des sanctions après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018. Mais le président américain ne voulait pas transiger, estimant que la sécurité de ses alliés était en jeu. Par ailleurs en termes d’affaires, il n’avait pas à tenir compte des questions de Droits de l’homme ou de démocratie.

Rien ne dit que Joe Biden, élu, ne poursuivra pas cette politique de soutien aux pays arabes car il s’agit d’une stratégie pour promouvoir les intérêts américains avant d’être une adhésion aux régimes autocrates. Les Démocrates et les Républicains ont toujours eu une conception voisine des relations avec l’étranger, avec Israël en particulier. Au cas où la victoire démocrate serait concrétisée, l’administration américaine cherchera certainement à encourager un meilleur respect des droits de l’homme dans les pays arabes, mais sans jamais mettre en danger les questions sécuritaires.

Israël : l’annexion compromise ?

En revanche, Joe Biden n’est pas certain d’approuver une quelconque annexion de la Cisjordanie par Israël. Sentant le vent tourner, Netanyahou veut anticiper le débat et préparer son aile radicale à une révision de sa politique en Cisjordanie. Il anticipe l’échec programmé de Trump en précisant que la souveraineté sur les implantations de Cisjordanie  nécessite le soutien total des États-Unis. Une manière de reporter sur son allié la décision de décaler aux calendes grecques cette annexion. Mais la victoire de Joe Biden serait moins pire que celle de Bernie Sanders, le dirigeant le plus haï en Israël et dans les pays arabes pour son indulgence vis-à-vis des agissements des Iraniens.

Le paysage économique a changé au Moyen-Orient. Les besoins mondiaux en pétrole diminuent en raison de la crise certes mais par suite du développement de technologies énergétiques alternatives et de la découverte de nouveaux gisements pétrolifères en Amérique du Nord. Les États du Golfe n’ont plus la même importance que naguère. L’effondrement des prix du pétrole après la pandémie n’a fait qu’accélérer cette tendance. Cela a surtout fragilisé les pays du Golfe qui, dans les périodes fastes, n’ont jamais songé à se diversifier et à s’industrialiser pour devenir moins dépendants d’un soutien extérieur.

Le Golfe mise sur Israël

Le désengagement américain n’a pas arrangé les choses alors qu’aucun autre pays, la Russie ou la Chine par exemple, n’est en mesure de remplacer les États-Unis pour garantir la sécurité des pays arabes. Ils sont trop engagés avec l’Iran. C’est d’ailleurs pour cela que les États du Golfe ont ouvertement misé sur Israël pour leur développement économique et pour leur sécurité. Yossi Cohen, le patron du Mossad, ambassadeur-bis israélien, habitué des palais arabes, facilite les joint-ventures entre industries israéliennes et arabes, dans le secret des alcôves dans un premier temps. Mais les potentats arabes sont réfractaires au changement et surtout au modernisme qui risquent de leur faire perdre le contrôle sur leurs citoyens. Or Israël est le seul État qui pourrait garantir de manière fiable le statu quo.

Mais, malgré des tentatives de plus en plus médiatiques, la normalisation des relations d’Israël avec les pays arabes comporte des risques substantiels pour les États du Golfe, sur le plan des relations interarabes et du conflit israélo-palestinien. Le projet israélien d’annexion de la Cisjordanie complique la situation. Une certitude cependant, les États du Golfe et Israël, qui ont tout misé sur Trump, risquent d’être de grands perdants en cas de défaite des Républicains.  Ils craignent que l’Iran en profite pour étendre sa politique de nuisance dans la région avec un président américain trop pacifique.



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est journaliste indépendant. Installé en Israël depuis 2007, il anime le site Temps et Contretemps.

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