Le roi du Maroc a indiqué que le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lui avait adressé une lettre dans laquelle il disait «reconnaître la souveraineté du Maroc» sur le Sahara Occidental. Analyse.
Les cartes géopolitiques sont en train d’être totalement rebattues dans le monde musulman et au Moyen-Orient. Ainsi, une alliance de fait se dessine présentement entre le Maroc et Israël. Elle a atteint son climax cet été avec la reconnaissance par l’Etat hébreu de la souveraineté pleine et entière du royaume Chérifien sur son Sahara au sud.
Une annonce longtemps attendue à Rabat
L’annonce a été faite par le cabinet royal marocain le 17 juillet, citant une lettre adressée par Benyamin Netanyahou au roi Mohammed VI. Dans cette missive, le Premier ministre israélien précise que la position de Jérusalem se reflétera désormais « dans tous les actes et les documents pertinents du gouvernement israélien » puis qu’elle sera transmise « aux Nations unies, aux organisations régionales et internationales dont Israël est membre, ainsi qu’à tous les pays avec lesquels Israël entretient des relations diplomatiques ».
À l’image de ce qui avait déjà été entrepris par Donald Trump lors de sa présidence, Israël compte aussi ouvrir un consulat à Dakhla, principale ville située au Sahara en gage d’acte de reconnaissance de la « marocanité » de la région. Cette décision était attendue par le Maroc depuis la signature des accords d’Abraham en 2020, lesquels ont normalisé les relations entretenues par Israël avec une partie des pays musulmans, dont le Maroc. Elle devrait d’ailleurs être suivie de la transformation du bureau de liaison marocain de Tel Aviv en ambassade. Cela s’inscrit dans un continuum historique et anthropologique, de nombreux juifs marocains étant originaires du Sahara.
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Ce deal s’inscrit d’ailleurs dans une nouvelle dialectique régionale et mondiale, où le Maroc est désormais solidement ancré. Les tensions avec le voisin algérien sont ainsi de plus en plus fortes depuis 2021, année où Alger a souhaité rompre les relations diplomatiques entre les deux pays. Depuis lors, les brouilles et situations critiques ont été multipliées, culminant avec l’interdiction pour les avions marocains de survoler le territoire algérien.
La population marocaine reste très sensible à la cause palestinienne
Il ne s’agit d’ailleurs pas ici d’un abandon par Rabat de sa position de principe en soutien au peuple palestinien et à ses droits légitimes, mais plutôt de la prise de conscience que les nations qui en veulent à ses intérêts au Sahara sont plutôt à trouver du côté d’une alliance tripartite formée par la Russie, l’Iran et l’Algérie. Selon la logique historiquement éprouvée voulant que « les ennemis de mes ennemis » peuvent devenir des amis, le Maroc s’est logiquement rapproché des Etats-Unis et d’Israël lors des dernières années.
L’Algérie sous la présidence d’Abdelmajid Tebboune développe de son côté un discours hostile à l’Occident, comme a pu en témoigner le communiqué officiel diffusé à l’occasion de la mort de Nahel durant les émeutes qui ont mis la France à feu et à sang en ce début de mois de juillet. Sur Europe 1, Charles Villeneuve a aussi affirmé que la Russie était présentement en train de construire une base militaire à Tindouf : « Les Russes, qui ont armé et qui arment l’armée algérienne construisent une base militaire à Tindouf, à la frontière sud marocaine, pas très loin du Sahara occidental et vous connaissez maintenant le conflit presque séculaire entre l’Algérie et le Maroc. Quelle est la vocation de cette base militaire à Tindouf ? C’est de former les miliciens du Polisario anti-marocains par le Hezbollah. On a amené des formateurs militaires du Hezbollah libanais, financés par les Iraniens. »
De quoi faire craindre à certains analystes la possibilité d’un conflit armé entre l’Algérie et le Maroc, perspective désastreuse qui reste encore aujourd’hui heureusement de l’ordre de la fiction. Dans le même temps, le discours « non aligné » croit en France sous l’influence notamment de l’extrême-gauche qui antagonise la jeunesse immigrée et s’aligne de plus en plus ouvertement sur les intérêts de l’axe prétendument anti-impérialiste d’une partie des BRICS.
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La sortie de Jean-Luc Mélenchon sur Twitter contre le CRIF doit être analysée à cette aune : « Le président du #CRIF utilise la cérémonie à la mémoire des victimes de la rafle des juifs par la police française pour me prendre à partie. Abject. L’extrême droite n’a plus de limite. » S’il est évident que le CRIF prend des positions politiques unilatérales déplaisantes, notamment à l’endroit des droites françaises hors du parti des Républicains, les propos de Jean-Luc Mélenchon masquent mal la volonté de ce dernier de flatter un électorat bien spécifique. De fait, Yonathan Arfi a d’abord demandé à Mélenchon de rendre hommage aux victimes juives de la Seconde Guerre mondiale, somme toute assez logique après les dégradations lourdes d’un mémorial qui leur était consacré en marge des émeutes de Nanterre. Il est assez notable que la gauche française, longtemps proche d’Israël, en soit désormais le plus farouche ennemi… devant bien des pays arabes.
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