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L’obsession anti-israélienne de Jacques Weber


Jacques Weber est un excellent comédien, subtil, élégant. Son jeu est plein de finesse. Il l’est moins dans sa pensée politique. À 13 h 15 dimanche 8 septembre, invité de France 2 par Laurent Delahousse, avec Ségolène Royal pour commenter l’actualité, ses propos lâchés au détour d’un commentaire qui invitait à la complexité ont mis en lumière la doxa enfouie sur les horreurs proche orientales. Avec Edgar Morin pour penseur référent Weber pose de justes questions : où commence la barbarie, quand commence le crime contre l’humanité ? Pourquoi réagir à propos de la Syrie alors que tant d’autres crimes sont commis par ailleurs ? Il questionne : pourquoi rester indifférent entre autres, devant la « grande détresse du peuple de Gaza ». Qu’est ce que cela veut dire ? Quel est le non-dit de cette interpellation ? Après une discussion sur l’usage des gaz tueurs contre les populations syriennes, pourquoi cette mise à niveau avec le sort des palestiniens de Gaza ? Pourquoi ? ça gaze à Gaza ? (Pour faire un calembour à la Libé) On a déjà employé du gaz sarin à Gaza ? Y a-t-on déjà commis des crimes contre l’humanité ? Suivez mon regard. Qui tue qui ? Qui est dans le malheur et qui porte le malheur ? À moins de penser que ce pourrait être le Hamas qui fait le malheur des gazaouis ? Ce renvoi au conflit entre Israël et les Palestiniens, qui glisse de manière subliminale qu’une horreur symétrique est commise à Gaza par Israël, fait partie des petites crapuleries de la pensée la plus communément admise.

Pourquoi Delahousse n’est-il pas intervenu ? Pourquoi n’a-t-il pas questionné Weber sur le sens de cette allusion ? Qui désignait-il ? Qui nommait-il sans le nommer ? Avec Stéphane Hessel comme référent, Ségolène Royal a prétendu penser la politique autrement et agir loin des petites phrases, des minables mesquineries, des petits jeux de pouvoir, de la pensée facile. Comme on aimerait la croire !  ceci près que son mentor moral n’est pas le plus représentatif de ces vertus. Pour penser la complexité du Proche-Orient n’est-il pas temps de changer de logiciel ? Plutôt que de répéter les pires clichés n’est-il pas temps de poser autrement la question du malheur arabe ? Celui-ci est réel. Le malheur syrien est réel, le malheur palestinien est réel, le malheur égyptien est réel. Mais où est la source de ce malheur ? Qu’est ce qu’Israël a à y voir ? Qui humilie qui dans l’histoire arabe ? Est-ce Assad père et fils, Kadhafi, Saddam, Arafat, Morsi ? Est-ce le Hamas, le GIA, le Hezbollah ? Plutôt que de se lamenter sur les mérites défunts des printemps arabes ne faudrait-il pas s’interroger sur le pourquoi de cette régression sans fin ? La dénonciation incantatoire d’Israël comme responsable de tous les maux arabes ne fait qu’enfoncer ce monde dans l’incapacité de penser sa propre histoire et les penseurs complexes de la gauche intellectuelle n’ont fait jusqu’à ce jour qu’y contribuer.

La bonne conscience tuera la gauche aussi sûrement que les Lettres françaises avaient en leur temps condamné Kravtchenko comme agent impérialiste. Cette mécanique est hélas toujours à l’œuvre : le type de facilité intellectuelle, de cliché mensonger, alors que le même Jacques Weber invoque la complexité, la dualité entre les problèmes qui se posent et les délais pour les résoudre, les défis politiques et le souci démocratique pour les vaincre, est au cœur des contradictions les plus intimes de ce type de pensée de gauche. Weber nous souffle sans le nommer, qu’Israël commettrait aussi des crimes ignobles. Ainsi va la télé, passe le temps de parole, le petit poison se diffuse… Faut-il s’habituer à ces perfidies ? Citons Péguy, il savait les reconnaître : « Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée. »[1. Œuvres en prose, 1909-1914, Charles Péguy, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1959, p. 1397.]

 



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Jacques Tarnero est essayiste et auteur des documentaires "Autopsie d'un mensonge : le négationnisme" (2001) et "Décryptage" (2003).

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