La visite d’Itamar Ben Gvir, ministre de l’Intérieur du gouvernement de Benjamin Netanyahu, sur le Mont du Temple le 2 janvier, a suscité une réprobation générale à l’international.
La Jordanie a « condamné avec la plus grande fermeté ». Et le quotidien jordanien Al Ghad a estimé qu’il s’agissait d’un « agression ». Pas moins ! En Egypte, youm7 (« Le Septième Jour ») assure que le « gouvernement de colonisation » israélien a franchi « des lignes rouges », « tenté d’imposer une nouvelle réalité politique », ce qui laisse présager d’une « escalade majeure », voire d’une « troisième Intifada ». Riante perspective… L’Autorité palestinienne, basée à Ramallah, estime qu’il s’agit d’une « provocation sans précédent et d’une menace dangereuse ». Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont également dénoncé la promenade de Ben Gvir.
Déluge de condamnations
L’ambassadeur des États-Unis en Israël, Tom Nides, a rappelé que « le statu quo des lieux saints de Jérusalem devait être préservé et que les actions qui nuisent à ce statu quo sont inacceptables. » La France a condamné et Berlin a appelé à « éviter les actions qui pourraient accroître les tensions ».
L’historien Vincent Lemire a accusé Ben Gvir de « judaïser » le Mont du Temple et d’agir en « fauteur de trouble ». Le Monde a transformé le Mont du Temple en « Esplanade des mosquées » et a proclamé qu’il s’agit du troisième lieu saint de l’islam.
De ce déluge de condamnations, il est possible de risquer deux conclusions. La première est que le monde entier a peut-être voulu signifier aux juifs qu’ils sont illégitimes sur le lieu d’origine même de leur culte, le Mont du Temple. La deuxième conclusion est que cette illégitimité s’exprime par un mantra répété à satiété, le « statu quo ». Diplomates, médias et organisations internationales se gargarisent de « statu quo » comme si une promenade de 13 minutes d’un Israélien sur le Mont du Temple équivalait à une profanation.
En réalité, statu quo n’a pas la même signification selon que le locuteur est arabe ou occidental. Chez les Arabes (médias et diplomates), statu quo signifie qu’un juif a agressé un lieu de culte musulman (le Hamas accuse Israel d’avoir commis « un crime »). Chez les Occidentaux, statu quo signifie « mais enfin, pourquoi aller inutilement chercher des ennuis ? ». Les premiers surjouent la menace et les seconds miment la pamoison à l’idée d’émeutes religieuses islamiques. Les premiers menacent de mobiliser des foules fanatisées et les seconds plient le genou devant la menace de ces mêmes foules fanatisées.
L’accord historique signé par Moshe Dayan visait à neutraliser l’aspect religieux dans le conflit israélo-palestinien
Le « statu quo » a toutefois un sens précis, celui d’un accord conclu immédiatement après la guerre des Six Jours (juin 1967), entre le général Moshe Dayan, chef d’Etat-major des Forces de défense israéliennes et le Waqf, l’association islamique jordanienne gestionnaire du site. A la suite de cet accord, le Waqf s’est vu confier la gestion du Mont du Temple, mais les Juifs ont été autorisés à visiter le site sans restriction à la condition qu’ils n’y organisent pas de prières. Moshe Dayan a fait retirer le drapeau israélien du Mont du Temple mais a gardé la responsabilité de la sécurité.
Un rapport d’avril 2014 du Centre de recherche et d’information de la Knesset, indique qu’en agissant ainsi, Moshe Dayan a imaginé « neutraliser » autant que possible, l’aspect religieux du conflit israélo-arabe. Laisser le Mont du Temple entre les mains des autorités musulmanes apparaissait à l’époque comme le meilleur moyen d’empêcher un soulèvement islamique en Judée-Samarie, tout en facilitant la mise en place de règles de sécurité par les Israéliens. L’interdiction faite aux juifs de prier sur le Mont du Temple reprend une pratique séculaire. Selon l’historien Alan Baker, à l’époque mamelouk (1250–1516), les juifs n’étaient autorisés ni à gravir le Mont du Temple, ni à prier. Les Ottomans (1516–1917) ont reconduit les interdits mamelouks. Et cette interdiction a reçu une reconnaissance internationale à la fin de la guerre de Crimée lors de la conférence de Paris de 1856, et dans le traité de Berlin signé en 1878 entre les puissances européennes et les Ottomans et dont l’article 62 stipulait que : « il est bien entendu qu’aucune modification ne peut être apportée au statu quo dans les Lieux Saints ».
Itamar Ben Gvir a-t-il violé le « statu quo » ?
Itamar Ben Gvir a-t-il violé le « statu quo » ? Certainement pas puisque le statu quo modifié par Moshe Dayan et signé par le Waqf, autorise les juifs à circuler librement sur le site. En revanche, David Weinberg, chercheur au Kohelet Forum, affirme que « si quelqu’un a unilatéralement, effrontément et violemment modifié le statu quo sur le Mont du Temple au cours des 25 dernières années, ce sont les Palestiniens radicaux et les islamistes qui ont transformé le Mont en une base d’opérations hostiles contre Israël, au lieu de le protéger comme une zone de prière et de paix ». David Weinberg rappelle en outre que le Waqf et les provocateurs islamistes « ont harcelé les visiteurs juifs du Mont, et attaqué les fidèles juifs qui priaient au Mur des Lamentations en contrebas du Mont ainsi que les fidèles juifs en chemin dans la vieille ville vers le Mur des Lamentations. Ils ont attaqué des citoyens émiratis et bahreïnis qui priaient dans la mosquée Al-Aqsa, parce que ces pays ont signé les traités de paix de l’Accord d’Abraham. Ils ont considérablement restreint les droits de visite de tous les non-musulmans à la montagne sacrée, et ont laissé les imams utiliser les chaires de la mosquée pour prêcher la haine et la violence contre Israël ».
David Weinberg rappelle enfin que le Waqf a aussi mené illégalement des travaux de terrassement sur le Mont et en dessous. Pres de 400 camions ont alimenté les décharges environnantes en trésors archéologiques juifs prélevés à la hache et à la pelleteuse dans les souterrains du Mont du Temple.
Les autorités israéliennes ont une responsabilité dans ce délitement, c’est qu’elles n’ont rien dit. Par souci d’apaisement, pour ne pas attenter au « statu quo », elles ont joué l’apaisement. Résultat, 25 ans de mauvaises habitudes font aujourd’hui croire au monde entier qu’une promenade d’Itamar Ben Gvir sur le Mont du Temple, est une violation du « statu quo ». Certains peuvent bien pointer un doigt accusateur contre les « voyous » et les « fascistes » juifs, mais ce sont les voyous et les fascistes islamiques palestiniens qui font que des politiciens radicaux comme Itamar Ben Gvir siègent aujourd’hui à la Knesset et occupent le poste de ministre de l’Intérieur…
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