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Israël frappe à Gaza, Moubarak approuve


Israël frappe à Gaza, Moubarak approuve

Fawzi Baroum n’a pas tort. En pleine attaque israélienne, le porte-parole du Hamas a dénoncé à la radio du mouvement islamiste « un complot ourdi » par Israël et l’Egypte, rappelant que 48 heures avant le déclenchement de l’opération, le président Hosni Moubarak avait reçu la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni. Quant au président de l’Autorité palestinienne, il insiste plutôt sur le fait que « le massacre aurait pu être évité si le Hamas avait accepté de renouveler la trêve ». En clair, Abbas impute au mouvement islamiste la responsabilité de l’escalade. Même le Hezbollah reste discret et se contente de déclarer qu’il n’a pas d’intention s’en mêler. Bref, autour du Hamas, les alliances sont plus complexes – et moins conformes au Choc des civilisations – qu’on ne le croit. Heureusement, il reste les journalistes occidentaux – et probablement, demain, les syndicats norvégiens – pour croire que les condamnations indignées entendues d’un bout à l’autre de la planète reflètent le consensus réel de la « communauté internationale ». Pour la galerie, on somme Israël d’arrêter les frais. Mais le message envoyé mezzo voce par les chancelleries à l’Etat hébreu est : « Faites le boulot mais faites le vite. » Et « bien », si l’on peut user d’un tel terme en l’espèce. De ce point de vue, la déclaration du Département d’Etat souhaitant que les raids israéliens ne fassent pas de victimes résume à peu près le mensonge diplomatique orchestré autour de l’opération « Plomb fondu[1. On peut se demander si ce ne sont pas les communicants de Tsahal qui ont fondu les plombs pour avoir choisi un nom pareil (même si en hébreu il évoque une chanson d’enfant et pas une torture médiévale). Et pourquoi pas opération « Huile bouillante » ou « Gaz moutarde » ?] ».

En réalité, tout le monde, y compris l’islamiste le plus fanatique, sait qu’aucun Etat ne peut laisser bombarder ses citoyens sans réagir. Mais une seule question passionne le monde entier, dirigeants et opinions confondus, même si ce n’est pas pour la même raison : est-ce reparti comme au Liban 2006 ? À Gaza, Téhéran, dans le sud du Liban et la « rue arabe », on l’espère bien. À Jérusalem, au Caire, Washington et dans beaucoup d’autres pays, on espère que cette fois-ci, Olmert et Livni ne rateront pas leur coup.

C’est que dans la région, les Israéliens ne sont pas les seuls à en avoir assez d’Ismaïl Haniyeh et sa bande. Parmi ceux qui veulent la peau du Hamas, les Egyptiens disputent âprement la première place aux Israéliens. Moubarak avait fait un effort pour supporter Arafat avec ses magouilles et chantages. Le mouvement islamiste lui a fait perdre sa patience de sphinx. Pour commencer, les Hamas boys lui rappellent fâcheusement ses propres Frères musulmans, mais ce n’est pas le plus grave. Le pire, c’est qu’ils ne sont pas raisonnables et que leurs petits calculs de guéguerres inter-palestiniennes risquent de réintroduire la question palestinienne dans la politique égyptienne, trente ans après que Sadate avait finement refilé cette patate chaude à Begin. Autrement dit, pour se maintenir au pouvoir, ils sont prêts à craquer l’allumette qui enflammera la poudrière.

À vrai dire, cela fait plus d’un an que Hosni Moubarak coopère avec Israël dans la mise en œuvre du blocus de Gaza – qui se serait révélé parfaitement inutile si la frontière égyptienne était restée ouverte. Certes, ni l’Egypte, ni Israël, ne peuvent détruire tous les tunnels ou verrouiller le Sinaï pour empêcher l’approvisionnement de trafiquants. Mais le Caire fait un effort considérable avec des résultats non négligeables.

Intermédiaires entre le Hamas et Israël dans les négociations pour la libération de Gilad Shalit, les Egyptiens ne cachent pas leur impatience et leur piètre opinion des islamistes gazaouites. Au Caire, les récentes revendications du Hamas – une liste de prisonniers qu’Israël devrait libérer pour récupérer Shalit – ont été interprétées exactement comme à Jérusalem, comme une manière de faire capoter les efforts pour le renouvellement de la trêve. Bref, le Hamas n’est pas sérieux et ça finit par lasser.

Du Caire à Amman, de Jérusalem à Washington, il était devenu clair ces dernières semaines que, sans épreuve de force, le Hamas ne reconduirait pas la trêve. Le refus d’abandonner la lutte armée est le cœur de la stratégie du mouvement islamiste. C’est sa principale différence avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas issue de l’OLP. Ce refus permet au Hamas de mobiliser les secteurs les plus radicaux de la société palestinienne mais surtout, il lui procure des alliés puissants à Téhéran, à Damas et au Liban et des sympathisants dans l’ensemble du monde arabe. Au pouvoir à Gaza depuis deux ans, le Hamas doit montrer que cette expérience ne l’a pas amolli.

C’est précisément ce choix en faveur de la lutte armée et les alliances qui vont avec qui ont mis le Hamas à l’index de la moitié du monde arabe, poussant Moubarak à donner son feu vert à l’opération israélienne – ou en tout cas, à ne pas émettre de véto –, mais aussi à servir d’enclume au marteau de Tsahal.

Mais l’action militaire ne peut se contenter d’être légitime. Elle doit être efficace. Cette fois-ci, Israël ne s’est pas assigné un but de guerre démesuré comme l’éradication des forces militaires du Hamas. Or, c’est à l’aune de l’ambition proclamée de détruire le Hezbollah que l’opération de l’été 2006 avait été jugée désastreuse. Face au Hamas, comme face au Hezbollah d’ailleurs, Israël ne mène pas une guerre de destruction mais des offensives plus ou moins réussies qui visent à contraindre l’adversaire au compromis. À tous ceux qui, dans deux jours, proclameront la défaite d’Israël, il n’est pas inutile de rappeler cette déclaration de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, après la guerre de l’été 2006 : si j’avais prévu la riposte israélienne, avait-il dit en substance, je n’aurais jamais déclenché l’affrontement. Preuve, si besoin en est, que la barbe et le turban n’empêchent nullement de faire des calculs et de faire les comptes. Peut-on imaginer meilleur plaidoyer en faveur d’une riposte disproportionnée ?



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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