À l’heure où cet article est publié, au moins soixante-dix personnes sont mortes côté israélien depuis le début de l’attaque surprise du Hamas contre Israël. L’organisation islamisto-terroriste revendique le tir de 5000 roquettes depuis le début de l’opération « Déluge Al-Aqsa » ce matin. Des soldats israéliens ont été capturés, et des terroristes sont infiltrés sur le territoire israélien. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira en urgence demain. L’analyse de Gil Mihaely.
Cinquante ans presque jour pour jour après la guerre de Kippour lancée le 6 octobre 1973, Israël a de nouveau été surpris, cette fois par le Hamas au pouvoir à Gaza. Cette surprise est double. Tout d’abord, contrairement à la demi-douzaine de guerres et opérations entre Israël et le Hamas, cette attaque n’a pas été précédée par une période de tension, et pour le moment – il semblerait que les services israéliens n’aient rien vu venir. Et puis il y a la surprise, encore pire, du mode opératoire. Le Hamas ne s’est pas contenté des traditionnelles salves de roquettes – dont le bilan semble pour le moment être plus lourd que d’habitude -, il a lancé en même temps des multiples opérations terrestres, par la mer et par parapente. Des combattants du Hamas ont ainsi franchi la frontière avec des pick-up et l’ont probablement contournée par des tunnels (selon des informations difficiles à vérifier). Ces forces ont attaqué des bases militaires, des villages et des villes semant la mort et le chaos. Ils ont réussi à atteindre leur objectif le plus prisé : enlever des militaires et des civils. Ceux qui se souviennent du psychodrame du soldat Shalit comprendront aisément ce qu’une telle « prise » (on parle de quelques dizaines) représente en termes politiques et psychologiques pour Israël. Bref, avant même de connaître tous les détails et de visionner toutes les images, on peut dire que, pour Israël, c’est une Bérézina à tous les étages.
Soldats capturés et humiliés
Comme l’Egypte le 6 octobre 1973, ce 7 octobre 2023 le Hamas fait carton plein. Israël n’est bien évidement pas menacé dans son existence mais le moral, l’image et la dissuasion ont pris un coup dur. Le Hamas possède désormais des images rappelant celles des soldats égyptiens traversant le canal de Suez et des photos de soldats israéliens capturés et humiliés. La question qui se pose maintenant est évidemment celle de la suite : le Hamas restera-t-il seul ou bien d’autres groupes (Hezbollah, Palestiniens de Cisjordanie, Arabes israéliens voire l’Iran) vont-ils allumer d’autres fronts ? C’est ce qui s’est passé en juillet 2006 après le succès de l’attaque du Hamas, quand le Hezbollah a décidé d’en profiter pour frapper dans le Nord. Ce scénario risque d’étendre le conflit et le transformer en guerre régionale. On peut raisonnablement estimer que le Hamas aimerait provoquer une telle évolution de la situation.
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Si Israël a été surpris c’est probablement non pas par faute d’information, mais à cause d’un paradigme désormais installé chez les analystes israéliens: le Hamas devient une force politique avec les contraintes découlant de la nécessité de gouverner dans la durée, payer des fonctionnaires et ramasser les poubelles. Plus sage, le Hamas serait moins enclin à prendre des risques. À l’évidence, ce n’était pas le cas et le Hamas a décidé de renverser la table.
Reste à comprendre pourquoi. Tout d’abord le Hamas ne croit pas avoir beaucoup à perdre. Israël s’est toujours montré réticent à la perspective de reprendre le contrôle de la bande de Gaza dont l’occupation serait un cauchemar extrêmement coûteux. Le calcul de l’organisation islamisto-terroriste est donc que le jeu en vaut la chandelle : soit le Hamas arrive à obtenir une victoire (comme en 2006 ou ce matin) soit on boucle l’affaire en quelques jours d’échanges de tirs aboutissant à un accord négocié par l’Egypte. Dans ces conditions la tentation est grande, surtout si le Hamas croit Israël affaibli par la crise politique et son gouvernement isolé dans l’arène internationale à cause des actions et déclarations de ses membres les plus extrémistes.
Vers une opération visant à un « changement de régime » à Gaza ?
Après cette journée terrible et en attendant de voir plus clair, Israël n’a pas beaucoup d’options immédiates. Isoler le conflit et éviter un embrasement serait un succès important. Mais le problème de Gaza n’a pas de réponse simple. Il est probable qu’Israël décide de lancer une opération d’envergure pour marquer le fait qu’il ne s’agit pas d’un énième round d’échanges de tirs mais d’un jeu totalement nouveau. Cette solution pourrait être l’occupation provisoire de Gaza avec comme objectif l’élimination du Hamas (et du Jihad islamique), c’est-à-dire une opération « changement de régime ». C’est probablement ce que vont réclamer les alliés religieux nationalistes de Netanyahou. Or, cette option est plus qu’hasardeuse comme le montre l’histoire de la politique libanaise d’Israël.
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En tout état de cause, il y a une nouvelle donne entre Israël et le Hamas. Désormais, il faut admettre que l’idée selon laquelle le Hamas était en train de muter pour devenir un acteur politique abandonnant dans le processus sa stratégie de la lutte armée et son objectif d’éliminer l’Etat d’Israël pour créer un Etat palestinien) à sa place (et non pas à ses côtés) est fausse. En plus, le Hamas vient d’affirmer qu’il reste avant et après tout un acteur du jeu politique palestinien et que le combat pour le leadership national est son unique boussole stratégique.
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