Choix stratégique crucial : faut-il continuer de frapper les Houthis, proxies de l’Iran, ou viser directement Téhéran qui est en pleine course à l’arme nucléaire ? Les Houthis s’imposent depuis des années comme des acteurs redoutables dans une région marquée par l’histoire mouvementée du Yémen et des tensions géopolitiques explosives, sur lesquelles revient notre chroniqueur.
Houthis et Iran, Yemen, Israël et les Juifs. Un essai de synthèse
La question que chacun se pose, qu’il soit un responsable, un expert ou un stratège en chambre est de savoir si Israël doit frapper les Houthis ou s’il doit directement attaquer le commanditaire, c’est-à-dire l’Iran. Ce commanditaire est vraiment très près, suivant tous les experts, de disposer d’une quantité d’uranium enrichi suffisante pour fabriquer deux ou trois bombes nucléaires. Les mollahs iraniens considèrent que cette bombe est leur gage de survie, leur fébrilité est d’autant plus grande que les installations de défense ont été durement détériorées, qu’une nouvelle administration américaine a priori plus dure va prendre place et que leur proxy principal, le Hezbollah, est très malade. Or, s’il est pour Israël bien difficile de bombarder, sans les bombes spéciales et leurs avions porteurs spécifiques américains, des installations d’enrichissement nucléaire aussi profondément enterrées que celle de Fordow; à 90 m sous une montagne, la situation sera encore plus difficile quand les Iraniens auront obtenu une quantité d’uranium enrichi suffisante, qu’il sera bien plus facile de cacher qu’une usine, en attendant de «weaponiser» cette dose dans un système de déclenchement adapté.
Vers 2011, Netanyahu et son ministre de la Défense, qui s’appelait Ehud Barak, étaient prêts, dit-on, à bombarder les installations nucléaires iraniennes. Ils ne l’ont pas fait à cause de l’opposition du chef d’Etat-major, Gaby Ashkenazy, du chef du Mossad, Meir Dagan, et du chef du Shin Bet, Yuval Diskin, qui considéraient que Tsahal n’était pas prête à une telle opération et que les Iraniens n’étaient pas encore sur le point de disposer d’une bombe nucléaire. Ce qui rétrospectivement était vrai. Or tout récemment, David Barnea, chef du Mossad, aurait déclaré qu’il ne suffit pas de frapper les Houthis mais qu’il faut viser les installations iraniennes. Douze ans plus tard, la situation a évidemment changé. Je m’abstiendrai du ridicule de donner mon avis, mais il est inutile d’insister sur le fait que la décision ou la non-décision seront lourdes de conséquences.
L’Iran fournissait aux Houthis pendant la guerre contre l’Arabie Saoudite des missiles à courte portée, qu’il sait produire à bas prix. Les Houthis les envoyaient sur les Saoudiens et aujourd’hui sur les bateaux transitant par le détroit de Bab el Mandeb vers le canal de Suez. Près de la moitié des 9 millions quotidiens de barils de pétrole et de gaz et des conteneurs maritimes de tous types de cargaison doivent ainsi par prudence contourner aujourd’hui l’Afrique. Le trafic du port de Eilat aurait chuté de 80%. Les manques à gagner pour l’économie égyptienne et même israélienne sont considérables. Faut-il rappeler que le blocage du détroit de Tiran par Nasser en 1967 a été considéré comme un acte de guerre? La doctrine Carter de protection du Golfe persique ne s’applique pas nominalement à la Mer Rouge mais les Américains y maintiennent une présence navale importante pour sécuriser les accès. Or beaucoup d’experts pensent qu’un jour ou l’autre, un de ces navires militaires américains risque d’être coulé car les
