Avril est un mois souvent tragique…
Nous avons quitté le mois de Adar, mois de Pourim, mois d’autant plus joyeux qu’il est double au cours de cette année dite embolismique et dans 10 jours nous allons fêter la sortie de l’esclavage d’Égypte, car nous sommes désormais dans le mois de Nissan. Mais comment oublier que la veille d’un Pessah les SS sont entrés dans le ghetto de Varsovie pour le liquider et que le 27 Nissan, qui tombe cette année au mois de mai, on commémore le Yom Hashoah ? Avril est plein de dates dramatiques: il y a 30 ans, le 7 avril, ce fut le début du génocide des Tutsis au Rwanda, le 18 avril 1915 a commencé le génocide arménien avec les massacres de Van, et le pogrome de Kichinev a eu lieu le 6 et 7 avril 1903.
Six mois plus tard
Et puis, il y a six mois, le 7 octobre 2023 c’était le Shabbat noir de Simhat Torah, ce que Pierre-André Taguieff appelle le « méga pogrome », massacre qui marque nos consciences au fer rouge et qui souleva – ô, un temps très bref ! – de sidération le monde civilisé et d’enthousiasme le monde qui ne l’est pas, où j’inclus des étudiants de prestigieuses universités. Car, on a tendance à l’oublier aujourd’hui, c’est le 8 octobre qu’ont commencé les manifestations contre Israël et contre les Juifs, alors que pas un Israélien n’avait encore mis le pied sur le sol de Gaza. Ce sont les jours où les organisations musulmanes ont malheureusement été aux abonnés absents et où, en France, LFI a commencé ses ignobles contorsions verbales.
A lire aussi, Gil Mihaely: Famine organisée à Gaza: mensonge de guerre
Six mois plus tard, je peux parler à un interlocuteur qui critique Israël pour la façon dont il fait la guerre à Gaza, pour le nombre des victimes civiles et le risque de famine, deux domaines où le martelage de crâne et la confiance envers des données fournies par le Hamas ont malheureusement façonné l’opinion publique, malgré les témoignages indiquant les raisons d’être sceptique, mais je ne peux pas dialoguer avec celui qui minimise l’horreur du 7 octobre ou même qui tout en feignant de l’admettre, l’agrémente d’un « oui, mais », ce qui est analogue à considérer que les Juifs au fond ont été un peu coupables de la Shoah. Je ne discute pas avec un négationniste.
Pourquoi les Israéliens veulent aller jusqu’au bout de la guerre avec le Hamas
Il y a un double impératif à éradiquer le Hamas. Impératif existentiel car la destruction d’Israël coûte que coûte est un objectif avéré de cette organisation. Mais il y a un impératif moral universel. Israël est une société démocratique face à un régime totalitaire particulièrement impitoyable. Les démocraties n’ont pas la cote aujourd’hui, mais, comme disait Churchill, elles sont le pire des régimes à l’exception de tous les autres…
A lire aussi, du même auteur: Trump et Butler, les deux faces d’une même pièce?
Il est inconcevable que tant de gens s’expriment sans avoir réfléchi sur la charte du Hamas, laquelle enjoint à tout musulman de lutter jusqu’à l’instauration du Dar al Islam dans tous les pays qui ont été un tant soit peu islamisés dans le passé. Le Hamas ne combat pas pour un territoire, il cherche, comme le font les Frères musulmans dont il fait partie, à reconstituer un califat conquérant. Tous les témoignages confirment la violence djihadiste du sentiment religieux chez Yahya Sinwar. Mais son rival lui-même, le soi-disant modéré Ismaïl Haniyeh, quand il commente la mort de ses fils, remercie Allah de leur avoir permis de mourir en martyrs. Ces paroles glaçantes de glorification de la mort n’ont rien à voir, contrairement à ce que dit Mme Polony, avec le fait que la réaction d’Israël est trop virulente, mais elles ont à voir avec l’endoctrinement religieux fanatique, incompatible avec la société où cette même Mme Polony a la chance de vivre.
Cet endoctrinement s’exacerbe au contraire par l’excitation de la victoire, ce qu’a dévoilé la virulence des foules arabes après le 7 octobre. Aujourd’hui, alors que Sinwar est vivant, que les Israéliens n’ont pas récupéré les otages et que le Hamas prétend dicter ses conditions dans les négociations après six mois de combats, le ressenti d’une victoire de ce mouvement terroriste n’est certainement pas le prélude à l’acceptation d’une « paix des braves », mais la certitude de nouveaux embrasements. Israël est condamné à une victoire indiscutable. L’habitude a été prise dans cette région que lorsqu’un pays arabe déclenchait une guerre contre Israël et qu’il la perdait, il était moral d’exiger d’Israël de revenir à la case départ. Mais laisser le Hamas dans une posture de victoire serait demander aux Israéliens de se suicider.
Le soutien de Joe Biden reste absolu
J’ai trouvé que Biden avait été irréprochable au cours des premières semaines de la guerre. Cette guerre, le Secrétaire d’État Anthony Blinken vient de le dire, a été voulue par le Hamas et c’est actuellement lui qui refuse les conditions de trêve proposées par les Américains. Cette guerre est particulièrement complexe, guerre de ville, guerre de tunnels, guerre où les victimes civiles sont des pions aux mains du Hamas. Israël a perdu le combat médiatique aux États-Unis, et je suis surpris par la faible efficacité de ses partisans américains.
La suite est connue: l’ampleur de la réaction anti-israélienne dans les médias et les universités travaillées par le wokisme fait planer la menace d’une abstention de certains démocrates de gauche à l’élection présidentielle, susceptible de faire basculer des « Swing States » comme le Michigan.
A lire aussi: Biden peut-il perdre en 2024 à cause du vote musulman?
Par ailleurs la mort des membres d’une organisation d’aide alimentaire dont le créateur est un proche du président américain, dramatique bavure dont l’armée israélienne a assumé la responsabilité, a aggravé la tension entre Biden et un gouvernement israélien qui n’est pas de son goût.
Yahia Sinwar, en lançant son attaque, espérait, on le sait aujourd’hui, se rendre maitre d’un territoire israélien allant jusqu’à Tel Aviv. En cas d’échec, il escomptait l’intervention du Hezbollah et de l’Iran, qui n’est pas venue, ou pas encore. Mais en troisième échelon, lui ou ses conseillers iraniens ou qataris ont peut-être considéré que, grâce à un travail de lobbying efficace, l’émotion victimaire du monde occidental devant la réaction israélienne, qui ne pouvait pas manquer d’être violente, allait finir par lier les mains aux Israéliens.
Nous y sommes. Derrière le Hamas, l’Iran se renforce et Israël a besoin du soutien américain. Le résultat électoral de Dearborn au Michigan, cette ville connue jusque-là pour avoir été le fief du grand antisémite Henry Ford, devrait être un épiphénomène face à des enjeux d’une telle importance. On peut espérer que Joe Biden qui vient de déclarer son soutien absolu pour Israël face à l’Iran, saura surmonter ses animosités et ses inquiétudes électorales pendant ces heures cruciales.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !