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Israël attaqué: la recherche des responsabilités attendra

Le pays se considère en guerre et se prépare à une opération terrestre


Israël attaqué: la recherche des responsabilités attendra
Près de la frontière avec la bande de Gaza, Israël, 11 octobre 2023 © Photo : Erik Marmor/AP/SIPA

En Israël, une majorité de citoyens est convaincue que l’armée n’a pas le choix, et donc qu’il faut assumer le prix d’une intervention terrestre à Gaza. Après la sidération, toute une société fait bloc. Gil Mihaely fait le point sur les débats au sein du pays.


Israël a annoncé dimanche un « siège complet » de Gaza (ni eau, ni électricité, ni gaz). Netanyahu a promis une guerre « longue et difficile », et de « détruire le Hamas ». Des propos peu susceptibles de calmer la « rue arabe ». Mais, les citoyens israéliens approuvent-ils ces décisions ?

Tout d’abord cela prouve qu’avant l’attaque du Hamas, Gaza n’a pas été sous un siège… et que les batteries de drones qui se sont abattus sur les soldats israéliens samedi matin ont été chargées avec de l’électricité fournie par le réseau israélien…

Pour ce qui concerne les objectifs d’Israël, toutes les options sont mauvaises. Netanyahou n’a pas parlé d’un changement de régime à Gaza, mais fixé comme objectif de faire payer très cher le Hamas, et de détériorer fortement ses capacités militaires. Ce n’est pas d’une grande précision et surtout cela traduit le fait que cette opération n’apportera pas une solution définitive car le Hamas, même affaibli pour longtemps, continuera de rejeter une solution politique.

Opinions israélienne et… française

Concrètement, pour l’armée, cela veut dire prendre le contrôle de la bande de Gaza pour pouvoir la « nettoyer ». Mission possible mais compliquée et coûteuse en vies humaines et en moyens. Sauf que le choc suscité par le carnage et la barbarie ont créé le sentiment en Israël qu’il n’y pas de choix et donc qu’il faut assumer le prix. Le soutien des Etats-Unis et des opinions publiques dans ce qu’on appelle aujourd’hui « l’Occident collectif » rendent les conditions d’une opération d’envergure encore plus propices. Et si le Hezbollah se joint à la guerre, au nord, les actions d’Israël à Gaza vont être encore plus tolérées par les opinions publiques à l’intérieur du pays comme à l’étranger.

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Tout cela va sans doute susciter des réactions virulentes et violentes dans la « rue arabe », y compris ici en France.

Il faut s’attendre bien sûr à des manifestations violentes mais ce n’est pas tout. Il y a une continuité sociologique, anthropologique, entre les tortionnaires d’Ilan Halimi, Mohammed Merah, les assassins de janvier et novembre 2015 et la foule des pilleurs des émeutes de l’été dernier… Parmi ceux qui ont pillé des boutiques Apple et des magasins de baskets, certains sont en train de se délecter des vidéos du massacre du 7 octobre comme leurs frères de celles de Daech avant. Ils sont parfaitement capables de massacrer, lyncher et de semer la terreur autour d’eux.

Ashkelon, Israël, 7 octobre 2023 © Tsafrir Abayov/AP/SIPA

Comment l’armée justifie-t-elle les défaillances à la frontière au sud du pays ?

Tsahal ne se justifie pas. L’armée israélienne reconnait ses échecs et défaillances – débâcle du renseignement, écroulement de la première ligne de défense – et est prête à rendre des comptes après la guerre. On peut s’attendre à des limogeages en masse, mais aussi à un déluge de médailles car de nombreux militaires et civils se sont montrés d’un incroyable courage et combativité, raison pour laquelle, sonnée, l’armée a pu se ressaisir et reprendre le contrôle de la situation.

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Le temps de la sidération passé, les éditorialistes israéliens, dans la presse de gauche et de droite, commencent à livrer leurs analyses. La presse israélienne est en train d’enquêter sur les failles de l’armée, du Shabak et les insuffisances de l’Etat. Elle porte aussi le débat au niveau de la responsabilité politique, notamment de Netanyahou, Premier ministre presque sans interruption depuis 2009… On a beaucoup entendu qu’Israël s’est fait surprendre, alors que le pays connaissait une crise politique interne. Est-ce pertinent ? Le Premier ministre Netanyahu doit-il craindre pour sa place après le fiasco du 7 octobre, ou bien sa position est-elle naturellement confortée par le conflit ? Réponse : Netanyahou est politiquement increvable ; pour le moment, cette guerre et l’union sacrée qu’elle a apportée l’ont sauvé et du mouvement de contestation et de l’obligation de continuer à faire avancer sa « réforme constitutionnelle » ! Il est sorti du piège, sans perdre la majorité. Un miracle. Quant à sa responsabilité pour les échecs de l’armée et du Shabak, ses porte-paroles ont déjà commencé à faire circuler des histoires rejetant la responsabilité sur des officiers traîtres, des gauchistes… Bref la version israélienne de la légende du couteau dans le dos. Pour citer un vers de Dylan Thomas, politiquement parlant, Netanyahou ne va pas entrer sans violence dans cette bonne nuit

Pour le géopolitologue Frédéric Encel, interrogé dans le Parisien, attaquer maintenant Israël alors que Netanyahou était en difficulté depuis huit mois avec sa réforme de la Justice est idiot, car cela va selon lui au contraire renforcer le Premier ministre. Il croit plus à un timing saoudien. Je crois pour ma part surtout que, quand on prépare une telle opération face à un ennemi (Israël) doté de services de renseignement performants, plus le temps passe, plus on risque que l’ennemi perce le secret. Pour cette raison, une fois l’opération prête, il ne faut pas attendre attendre attendre… au risque de rater son coup et de gaspiller l’investissement. A mon avis, une fois prêts à agir, les terroristes ont cherché la fenêtre tactique la plus proche pour lancer l’attaque. Reste enfin la question des otages, dont les témoignages des proches occupent beaucoup les télévisions israéliennes. Dans l’optique d’un conflit dur avec les Palestiniens dans les prochains jours, Israël pourrait-il faire une croix sur les otages ? C’est une situation sans précédent. Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’Israël ne va pas renoncer ou changer sa stratégie militaire à cause des otages. En revanche, leur localisation et leur libération va être très haut dans la liste des missions des services de renseignement et des forces au sol. On ne peut exclure qu’au niveau tactique, l’armée va prendre en compte la présence des otages pendant les combats et essayer de les épargner et de les sauver.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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