(Avec AFP) – Est-il pertinent de parler d’islamophobie à propos des actes et discriminations visant les musulmans ? Bien que ce terme soit piégé, car il interdit toute critique d’ordre religieux, certains le soutiennent.
Le mot vient même de recevoir l’onction de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) qui, dans son dernier rapport sur le racisme publié cette semaine, « se trouve confortée dans son choix de nommer ce que l’on dénonce et souhaite combattre ».
L’aréopage d’experts et de personnalités se dit clairement favorable à l’usage du terme « islamophobie », même s’il juge utile de le compléter par les expressions « manifestations de haine antimusulmane » et « actes antimusulmans ».
La classe politique et les associations antiracistes se méfient pourtant d’un terme largement contesté à droite, notamment dans une mouvance attachée aux « racines judéo-chrétiennes » de la France, mais aussi à gauche chez les laïques militants.
De fait, plus de 200 « actes antimusulmans » ont été recensés par l’Observatoire national contre l’islamophobie, une composante du Conseil français du culte musulman (CFCM), depuis les attentats djihadistes de janvier, contre 133 pour toute l’année 2014. Evoquant sur un ton plus engagé des « actes islamophobes » comprenant des discriminations d’origine institutionnelle (enseignants, policiers…), le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) a lui aussi décrit une flambée du phénomène depuis Charlie.
« L’islamophobie existe, elle est bien ancrée dans la société française, qu’on le veuille ou non », s’agace le président de l’observatoire du CFCM, Abdallah Zekri, tout en se réjouissant que le président François Hollande ait prononcé, en janvier, ce mot que le Premier ministre Manuel Valls n’utilise pas.
« Si les hommes politiques refusent la notion d’islamophobie, il me semble qu’ils ne devraient pas parler d’antisémitisme mais d’actes et de racisme antijuifs », estime encore le responsable musulman.
Une comparaison réfutée par Jean-Christophe Moreau, coauteur de « Islamophobie, la contre-enquête » (Plein Jour) : « Dès sa naissance, le concept d’antisémitisme postulait une donnée biologique, peu importait le degré de religiosité. Alors que l’islamophobie indique une intolérance liée à la pratique, une difficulté d’accepter un retour du religieux ».
Ce spécialiste de l’histoire du droit juge la notion d’islamophobie instrumentalisée par « une base militante » qui défend certaines pratiques, comme le port du voile, relevant selon lui « davantage de l’identité que des droits individuels ». « Il y a une forme d’assignation identitaire qui s’exerce à travers cette confessionnalisation de l’antiracisme », critique-t-il.
L’écrivain Michel Houellebecq rappelait quant à lui récemment dans Le Point : « L’islamophobie et l’antisémitisme ne sont pas symétriques. Si on veut trouver une notion symétrique à celle d’islamophobie, ce serait l’antijudaïsme. Le judaïsme, c’est une religion et, comme l’islam, comme tout système de pensée, on a le droit de la critiquer, d’être antijudaïque, la liberté d’expression doit le permettre.
En France, il n’existe pas non plus d’indicateur spécifique pour comptabiliser les actes antichrétiens en tant que tels. La religion musulmane est donc la seule, à ce jour, à exiger le recensement des atteintes à ses croyances et à les assimiler à une forme de racisme.
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