Depuis la première affaire du voile à Creil en 1989, l’Islam politique n’a cessé de gagner du terrain en France. Mais cet épisode malheureux a replacé la laïcité au cœur du débat public. Un nouveau clivage s’est progressivement mis en place entre une gauche multiculturaliste et une droite convertie à l’universalisme républicain.
Étrange année que celle de 1989. Les festivités du bicentenaire de la Révolution se trouvent noyées dans le méli-mélo du gauchisme culturel où l’histoire nationale est congédiée au profit d’une mémoire collective droits-de-l’hommiste. Au lendemain du départ des troupes soviétiques d’Afghanistan, l’ayatollah Khomeyni lance sa fatwa internationale contre l’écrivain Salman Rushdie. Quelques mois avant la chute du mur de Berlin, Francis Fukuyama nous annonce triomphant la « fin de l’Histoire » et l’avènement de la paix démocratique planétaire sur le modèle ultralibéral occidental.
Et voici qu’en septembre, trois collégiennes, d’origine algérienne et marocaine, font leur rentrée scolaire la tête recouverte du voile islamique dans un collège de Creil. Ce fait politico-religieux va régulièrement embraser le débat public, trois décennies durant. Et la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires à l’école ne viendra pas clore ce débat, qui rebondira avec la burqa et sa récente version aquatique (improprement nommé burqini).
Déni de l’offensive islamiste
Pour autant, ces quinze années de combat contre le déni de l’offensive islamiste auront-elles permis d’éviter notre soumission puisque nous sommes contraints de tolérer le port du hijab, drapeau ambulant de l’islam politique ? Un islam politique dont on nous répète qu’il est infiniment minoritaire chez les Français de confession musulmane, alors que l’extension du costume de la pudeur islamique dans l’espace public en démontre le contraire. Notons que ces costumes et comportements islamistes font, enquête après enquête, l’objet d’un rejet profond de la part des Français, alors que la tolérance à l’égard de la religion musulmane comme foi privée progresse régulièrement dans ces mêmes enquêtes.
Aussi imparfaites que furent les réponses politiques, l’affaire des « foulards de Creil » fut salutaire, car elle replaça le principe de laïcité au cœur d’un débat public où, depuis les années 1970, dominaient le différentialisme et le culturalisme. Ces courants idéologiques, bien représentés au sein de la gauche socialiste au pouvoir – si l’on excepte Chevènement et Poperen –, défendaient un modèle de société hostile à toute forme d’unité du corps civique fondé sur la communauté nationale. Pour eux, les revendications de droits individuels étaient non seulement légitimes, mais supérieures au droit commun. L’intérêt particulier de chaque individu, puis par extension de chaque « communauté culturelle », exigeait qu’on sursoie à la prise en compte de l’intérêt général. Ainsi SOS Racisme, courroie de diffusion du prêt-à-penser multiculturaliste transformé en haine du
