En retard d’une bonne quinzaine d’années sur les professeurs quotidiennement confrontés à la génération Kouachi, le monde universitaire commence enfin à ouvrir les yeux, bien que les ripolineurs du réel n’aient pas dit leur dernier mot. Reste à savoir comment sauver cette génération qui paraît perdue.
Quand les sociologues du déni veulent prouver au péquin moyen qu’il ne voit pas ce qu’il voit et ne vit pas ce qu’il vit, ils trouvent toujours une étude qui défie le sens commun : l’une vous prouvera que le niveau monte à l’école, l’autre que l’intégration des enfants d’immigrés ne cesse de progresser, une troisième qu’il n’y a aucun lien entre l’islam et la radicalisation islamiste. Et une dernière qu’il neige en été. L’arraisonnement de la sociologie par l’idéologie, magnifiquement étudié dans un récent dossier du Débat[tooltips content= »« La sociologie au risque d’un dévoiement », in Le Débat, n° 197, nov.-déc. 2017. »]1[/tooltips], a conduit la première à dire aux acteurs « comment doit être le monde » plutôt que « comment il est », écrit Nathalie Heinich. Et, dans la foulée, à interdire qu’on voie comment il est. Ce mauvais penchant, à l’œuvre depuis des années sous l’appellation générique de politiquement correct, se déploie avec une ardeur renouvelée depuis janvier 2015.
La recherche confirme ce que tout le monde sait: il y a aujourd’hui un problème dans l’islam
Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, les Français veulent comprendre, y compris ces musulmans du coin de la rue qui savent depuis longtemps, sans pouvoir rien y faire, qu’une partie de « leur » jeunesse a sérieusement déraillé – dans la délinquance, l’islam radical ou les deux. On pressent qu’au-delà d’une minorité de passeurs à l’acte, la forêt qui cache de tels arbres souffre d’un mal plus profond que personne n’a voulu voir. On convoque les auteurs des Territoires perdus de la République, jusqu’alors suspects. Au gré des reportages, le pays découvre qu’une minorité significative de ses enfants d’adoption récente vit sur une autre planète mentale et ne cache pas sa détestation de nos mœurs collectives, en particulier de la liberté des femmes. Fantasmes, exagérations, amalgames, hurlent les ripolineurs du réel. La preuve que ça n’existe pas, c’est que vous n’avez pas de chiffres.
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Les chiffres finissent par arriver et avec eux les études scientifiques. Des enquêtes journalistiques et des témoignages de proviseurs, professeurs ou policiers complètent le tableau. Et surprise : le péquin moyen voyait juste ! Autrement dit, la recherche confirme les pires impressions du sens commun et prouve notamment ce que tout le monde sait, à commencer par les musulmans : il y a aujourd’hui un problème dans l’islam – donc un problème de l’islam. Un problème d’acculturation qui ne se fait pas sur fond de déculturation galopante (qui n’est pas pour le coup une spécialité islamique). Certes, l’habituelle phalange des chercheurs-effaceurs tombe à bras raccourcis sur la méthodologie (validée par le CNRS) qui aboutirait à une étude à charge contre l’islam, on connaît la chanson. Ils ont beau tempêter et psalmodier, la lucidité progresse. Y compris parmi les musulmans : « Aujourd’hui, il n’y en a pas un qui s’indignerait sincèrement de la phrase de Zemmour sur les dealers », s’amuse Tarik Yildiz, fin observateur de l’islam sunnite.
Ce n’est pas faire injure à Anne Muxel et à Olivier Galland que d’observer que leur passionnante « enquête auprès des lycéens » ne contient pas de révélation fracassante, sinon celle que la sécession d’une partie de la jeunesse est encore plus inquiétante que ce qu’on croyait (voir pages 22-23, l’article de Daoud Boughezala). Comme l’ont bien noté les gardiens du temple progressiste, furibonds que certains de leurs confrères aillent fouiner là où leur dit
