Religion au bureau : l’enquête qui lève un tabou


Religion au bureau : l’enquête qui lève un tabou

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En un an, le poids de la question religieuse sur le lieu de travail en France a presque doublé. Selon une étude réalisée par l’Institut Randstat, un organisme de recherche appartenant au groupe néerlandais d’intérim Randstat, et l’Observatoire du fait religieux en entreprise (centre associé à Sciences Po Rennes),  en 2015, 23 % – contre seulement 12% en 2014 – du millier de  salariés interrogés déclarent avoir été régulièrement confrontés à des questions liées à l’appartenance et à la pratique religieuse sur leur lieu travail.

Quant aux cas conflictuels (rapportés par 6 % des personnes interrogées), ils ont triplé depuis 2013 et doublé en un an. Et au moins 50% des cadres en situation de manager déclarent devoir faire face de manière plus ou moins fréquente à des situations liées à la religion.

Pour tenter d’identifier les principaux responsables de l’explosion de la tension religieuse, il faut lire le commentaire de Lionel Honoré, président de l’Observatoire du fait religieux en entreprise. Selon lui, les raisons de cette « crispation » sont à chercher dans les suites des attentats de janvier. Selon ce professeur de gestion à l’Université de la Polynésie Française, qui a également enseigné à Sciences Po Rennes entre 2007-2014, interrogé par Le Parisien, les attentats terroristes islamistes du 7, 8 et 9 janvier ont suscité une « implication défensive » des pratiquants qui, se sentant stigmatisés, ont souhaité affirmer avec plus de force leur religion. Concrètement, il s’agit des demandes d’absence pour célébrer une fête comme l’Aïd, des pauses supplémentaires pour la prière ou du port d’un article vestimentaire revendiquant de façon ostentatoire une appartenance communautaire ou religieuse – on pense bien sûr au voile islamique.

Le même type d’explication avait été avancé pour expliquer l’aggravation du repli islamiste de certaines banlieues, qu’une note des services de renseignement constatait le mois dernier. Malgré tous les discours d’apaisement appelant à la concorde civile dès le 7 janvier, malgré le refus de l’ensemble de la classe politique – Front national compris- de montrer du doigt un groupe de population, malgré la condamnation répétée de « l’islamophobie » par  les plus hautes instances de l’Etat, le spectre de la « stigmatisation » rôde.

Plutôt que de scruter des tendances lourdes qui travaillent le corps social en profondeur, bouleversent la physionomie de certains territoires, provoquent des regroupements de population suivant les logiques de concentration et d’évitement culturels décrits par Christophe Guilluy, l’Observatoire du fait religieux met l’accent sur des événements conjoncturels tels que les attentats de janvier. On peut résumer ainsi l’axiome qui sous-tend cette interprétation des faits : les signes d’islamisation sont une réaction à l’islamophobie qui gangrène la France. En clair, Charlie a encore frappé.

*Photo : Pixabay.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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