Salafisme: L’Arbresle qui cache la forêt


Salafisme: L’Arbresle qui cache la forêt

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L’Arbresle est une jolie petite commune de 6161 habitants dont l’histoire se confond avec l’abbaye bénédictine de Savigny, érigée au XIe siècle et tombée en ruine au XVIIe siècle. Le petit village a perdu sa vocation de place forte pour accueillir une pacifique et prospère bourgeoisie lyonnaise à la Renaissance avant de se convertir à l’industrie textile au XIXe siècle. Après le déclin du secteur textile à la fin des années 1960, L’Arbresle est retombée dans la torpeur. Ses habitants ont peut-être conservé dans le folklore local le souvenir de la Bête du Lyonnais qui terrorisa la région entre 1754 et 1756, faisant une trentaine de victimes, principalement des enfants, mais ce sont bien d’autres sujets qui occupent aujourd’hui les conversations depuis que le préfet du Rhône Michel Delpuech a, dans le cadre de l’article 8 de la loi relative à l’état d’urgence, décidé de fermer la salle de prière, dite « mosquée », située au 33 bis rue Gabriel Péri à l’Arbresle. « Prenez le centre de l’arbresle ,en direction de sain bel vous allez trouver un pont eh bien juste après le pont garer vous sur le parking a droite la mosquée est a 30seconde », peut-on encore lire sur le site du Guide musulman qui précise que les prêches s’effectuent en français et que la salle de prière comporte un espace pour les femmes.

Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, il y avait, en 2012, 2.131 lieux de culte musulmans en France métropolitaine et 318 outre-mer. Il en existait 150 en 1976, 200 en 1979, 900 en 1985, 1035 en 1987 et 1 555 en 2001. Le nombre de mosquées en France a donc été multiplié par dix en l’espace de vingt-cinq ans, de 1979 à 2001. D’après les statistiques données par l’OCDE et le département des affaires économiques et sociales de l’ONU (Fondation Robert Schuman), le nombre d’immigrés s’est stabilisé à six millions et a augmenté plus graduellement à partir de 1980. L’immigration due au regroupement familial et l’installation durable d’une partie des migrants a remplacé la logique de l’immigration de travail qui avait cours jusqu’aux années 1970. Selon le ministère de l’Intérieur, la France compterait aujourd’hui 5 à 6 millions de Musulmans, un chiffre ramené à 4 millions de personnes de 18 à 50 ans se disant musulmanes selon l’INED. Selon les mêmes sources, un tiers environ de ceux que l’on sera bien obligé de nommer, faute d’une expression plus précise, des « personnes de culture musulmane », seraient pratiquants. En 2008, l’INED évoquait 2,1 millions de personnes, pour 11,5 millions de catholiques, qui disposent de 45 000 lieux de cultes en France. Mais parmi les lieux de prière musulmans, bien peu sont en réalité des mosquées et les deux tiers sont des salles de prières ne dépassant pas cent mètres carrés, apparaissant et disparaissant très facilement. Elles sont financées par les fidèles ou par des « donations » venues de France ou de l’étranger, dont l’encadrement peut poser problème, tout autant que l’origine, surtout quand elle est saoudienne. A la date du 29 juin 2015, il y avait en France, 393 projets de construction de Mosquées, dont trois dépassent le million d’euros : Bordeaux, Marseille et Mulhouse. La grande mosquée de Lyon, inaugurée le 30 septembre 1994, est sortie de terre en grande partie grâce à des fonds saoudiens. « L’Arabie Saoudite nous a accordé le financement qu’elle nous avait promis », rapportait le recteur de la grande mosquée de Lyon au site SaphirNews le 27 août 2014. Le rapport déposé au Sénat le 17 mars 2015 par Hervé Maurey, sénateur et maire de Bernay (Eure), a pointé du doigt quelques inquiétudes et souligné les avantages que pourrait avoir l’instauration d’un co-financement public complétant le financement par les fidèles, selon les élus locaux (toutes tendances confondues) consultés pour les besoins du rapport, qui ont confié avoir éprouvé : « l’impression d’une certaine opacité dans le financement des lieux de culte musulmans aujourd’hui (liens éventuels entre certains financeurs et des organisations terroristes) et la crainte de financement provenant directement d’Etats étrangers comme l’Algérie, l’Arabie Saoudite ou encore le Qatar (pour ne citer qu’eux) leur suggèrent de prendre des mesures claires afin de réguler ces situations. »

La première inquiétude provient de la nature de l’islam salafiste que l’Arabie Saoudite, notamment, finance à coups de pétrodollars depuis plus de vingt ans, et du risque de voir un islam français majoritairement sunnite basculer en partie sous l’influence de la « finance spirituelle » saoudienne. Si les grands projets de « mosquée-cathédrale » comme celle de Lyon ou de Marseille sont des symboles religieux très visibles, les multiples salles de prières (plus de 1500) sont disséminées non seulement dans les cités, comme celle des Minguettes à Vénissieux, fermée le 18 novembre, mais aussi dans les communes rurales, comme à L’Arbresle, visée aujourd’hui par une interdiction préfectorale. « Fréquentée par de nombreux salafistes, dont certains en relation avec des individus pouvant se trouver en Syrie, cette salle, dans le contexte actuel postérieur aux attentats de Paris, présente un risque sérieux d’atteinte à la sécurité et à l’ordre public », explique la Préfecture du Rhône. Le chercheur Samir Amghar estimait  en 2012 que : « Selon les renseignements généraux, les salafistes sont entre 12.000 et 15.000 en France, mais les salafistes jihadistes sont ultra-minoritaires », un avis pas nécessairement partagé par son collègue politologue Gilles Kepel, qui jugeait lui, dans le même article de La Dépêche « inquiétant, quand les salafistes imposent leurs règles, par exemple le port du voile intégral, aux autres musulmans ».

Le problème ne provient pas en effet nécessairement du nombre de salafistes mais de leur emprise discrète sur une communauté musulmane hétérogène. Emprise d’autant plus discrète qu’en dépit de la conviction partagée par les spécialistes du renseignement que le recrutement au sein des mosquées a été considérablement réduit depuis 2001 grâce à la surveillance exercée par les services de renseignements, encore faut-il que les pouvoirs publics aient parfaitement connaissance de l’existence d’une salle de prière et que la présence de radicaux salafistes puisse justifier la mobilisation d’une structure de renseignements. En ce sens, le dernier facteur qui complique dangereusement le phénomène est Internet. Depuis une dizaine d’années, on assiste en effet à la montée en puissance d’un islam radicalisé de nouvelle génération, un islam mutant, dont les pratiquants, souvent jeunes, attirés par les mirages romantico-nihilistes du djihadisme, vont parfaire leur progression politico-religieuse sur Internet avant même de mettre les pieds à la mosquée, ce qui rend l’évolution du phénomène encore plus difficile à surveiller. L’état d’urgence donne peut-être les moyens aux pouvoirs publics de lutter de façon très éphémère contre le radicalisme islamiste en menant des perquisitions et en prononçant des fermetures par arrêté préfectoral mais cette agitation soudaine a surtout pour effet de médiatiser le laisser-aller dont les autorités politiques portent aujourd’hui la responsabilité, tout autant l’administration de Nicolas Sarkozy que celle de François Hollande ou de Jacques Chirac d’ailleurs, pour ne pas remonter encore plus loin. Et quand la mosquée salafiste de L’Abresle ou des Minguettes est fermée, combien, comme celle de Lunel, sont restées trop longtemps en activité tandis que nos dirigeants continuaient – et continuent encore – à serrer la main des pourvoyeurs de fonds saoudiens. «  Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table », déclarait très récemment le juge Marc Trévidic. L’argent n’a peut-être pas d’odeur mais le djihadisme sent quand même fortement le pétrole.

*Photo: DR.



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