Rien n’est plus laid, méprisant et paternaliste que l’expression ISLAM MODÉRÉ répétée pavlovement par les « républicains », les laïcards, les néo-féministes, et plus généralement par ces bavards qui parlent de l’islam sans en rien connaître. D’ailleurs, quand ces derniers dressent l’apologie d’un musulman (ou d’un imam) « modéré », il s’agit toujours, dans les faits, d’un musulman stipendié, retourné ou analphabète (l’imam Chalgoumi – le bon ami de Caroline Fourest – en étant la forme caricaturale).
Je n’attends rien des « musulmans modérés » et j’espère qu’ils n’existent pas. Est-ce la « modération » qui permet à mes amis musulmans de se battre, là-bas au Rojava, contre les petits-soldats du Khalifat, ces ikhwan dégénérés au cerveau obscurci par les amphétamines ?
On sait là-bas que ce n’est pas contre l’« islam modéré » que se battent les petits-soldats du Khalifat : ils se battent contre les islams traditionnels, les islams maraboutiques, les islams confrériques, les islams hétérodoxes, les islams duodécimain, ismaélien, alévi, les islams nourris au lait multiséculaire des écoles de jurisprudence. Mes amis musulmans du Rojava savent que les petits-soldats du Khalifat défendent les musulmans comme Lénine défendait les marins de Kronstadt.
ISLAM MODÉRÉ ? Expression vide de sens qui insulte par ailleurs l’ensemble de celles et ceux – musulmans, catholiques ou taoïstes – qui aspirent à être verticalisés par la transcendance. Peut-on « modérément » aspirer au Beau, au Juste, au Vrai ? J’espère bien que mon catholicisme ne sera jamais « modéré », qu’il sera toujours plus incandescent, intransigeant, consistant, qu’il le sera assez, en tous cas, pour que ce soit le Saint-Esprit, et non le plat esprit de vengeance, qui me donne la force de combattre, de sacrifier et de me sacrifier. Et ce que je veux modérer – et tuer – en moi, ce n’est pas ma foi catholique, mais c’est ma « mauvaise foi », c’est-à-dire tous ces oripeaux religieux qui prennent le visage de la piété alors qu’ils ne sont que les reflets de mon égoïsme et de mes craintes ; je ne veux pas « modérer » ma foi, je veux la porter à ébullition grâce au feu froid de mon propre athéisme ; car il n’est pas de foi sans athéisme purificateur ; et comme le disait Simone Weil, je dois être athée avec la partie de moi-même qui n’est pas faite pour Dieu ; et parmi les hommes chez qui la partie surnaturelle d’eux-mêmes n’est pas éveillée, les athées ont raison et les croyants ont tort.
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