Les grands reporters du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ont dirigé cinq étudiants en journalisme pour enquêter sur un sujet inflammable: l’islamisation de la Seine-Saint-Denis. Longtemps cantonnée à la presse de droite, la description d’une contre-société musulmane séparatiste ébranle désormais les certitudes de la gauche. Après des années d’aveuglement politique et médiatique, l’heure de la prise de conscience a peut-être sonné.
Avouons-le, quand Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les duettistes du Monde, ont entamé leur tournée des popotes médiatiques pour évoquer leur livre Inch’Allah, notre première réaction a été plutôt goguenarde. L’islamisation progresse en Seine-Saint-Denis, quel scoop. « Ils découvrent la lune » – ou l’eau tiède : l’apostrophe gentiment moqueuse qui figure en une de ce numéro est spontanément venue à l’esprit de beaucoup de Français qui, depuis des années, observent une forme de sécession culturelle chez une partie des musulmans français et voient la loi des barbus s’imposer à certains quartiers.
Trop tard, c’est mieux que jamais
Notre ironie, reconnaissons-le, n’était pas dénuée d’une certaine jalousie. Voilà deux journalistes (et leurs cinq apprentis) qui disent ce que beaucoup d’entre nous hurlent depuis longtemps, et, non seulement, ils sont reçus avec les honneurs, mais il est bien possible qu’ils réussissent là où nous avons échoué – à ébranler les certitudes d’une certaine gauche, beaucoup plus puissante culturellement que numériquement, qui, depuis vingt ans, voudrait interdire que l’on observe, dénonce et combatte l’islam radical et séparatiste qui étend son emprise sur les territoires perdus. Avant nous, le sujet était traité par des idéologues, avance le duo, comme pour s’excuser de l’accueil qui leur est fait. Taratata. Eux-mêmes ne parviennent d’ailleurs pas à conserver, face à leur objet, la stricte neutralité à laquelle ils prétendent, puisqu’ils admettent explicitement que le phénomène qu’ils décrivent est problématique, et même inquiétant. En réalité, c’est l’idéologie qui a empêché tant d’observateurs de voir ce qu’on leur montrait. Les témoignages publiés jusque-là n’avaient rien d’idéologique, sinon leurs auteurs ou les journaux qui les accueillaient. Pour les consciences délicates, le messager suffisait à discréditer le message. Autrement dit, tant que les lanceurs d’alerte étaient d’affreux réacs, cette gauche moralisante avait beau jeu de dénoncer le doigt. Maintenant que le doigt porte le sceau du Monde, beaucoup se sentent autorisés à voir la lune, qu’il s’agisse de l’islamisme ou de la violence scolaire.
A lire aussi: Patrick Jardin: il perd sa fille au Bataclan, Le Monde souligne sa « haine »
Pour tous ceux qui pensent (ou savent) que le quotidien du soir est l’organe central du politiquement correct, c’est râlant. Il serait cependant malvenu de s’arrêter à cette microblessure narcissique. Après tout, peu importe que la vérité vienne de Causeur ou du Monde, d’Alain Finkielkraut ou de Plic-et-Ploc (le petit surnom affectueux que nous donnons à nos deux confrères). On connaît la formule de Péguy sur la nécessité de voir ce que l’on voit. Si Davet et Lhomme contribuent à nous rendre collectivement le droit de voir, grâces leur soient rendues. Trop tard, c’est mieux que jamais. Du reste, comme ils nous l’ont raconté pendant l’entretien qu’ils nous ont donné, même pour eux, la bataille est rude. Coupables, aux yeux d’une partie de la corporation (et peut-être de leur propre rédaction), de grave manquement
