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Islam : demain j’enlève le débat


Islam : demain j’enlève le débat

Alors qu’en terre d’islam, les peuples se mettent à congédier leurs dictateurs en rêvant, semble-t-il, de démocratie, je perds patience devant les hésitations, les prudences et les lenteurs de notre vie démocratique pour résoudre les problèmes que nous pose l’islam et je me mets à rêver de dictateur.

Ça branle dans le manche en Arabie. Les gens se rebiffent contre ces souverains qui règnent en pachas. Des foules excédées et déterminées font tomber des tyrans. Les régimes ne tiennent que par la répression et les plus féroces étouffent dans l’œuf toute tentative de rassemblement populaire comme en Iran, en Algérie ou à Gaza. Au Yémen, le président débordé tente de rappeler à son bon peuple que tous les problèmes viennent de Tel Aviv mais ça ne prend plus ou en tout cas, ça ne suffit plus. Ce n’est pas une révolte, c’est une révolution. Ou plutôt des révolutions.

Ben Ali est tombé à la première secousse dans un piège vieux comme l’Etat d’Israël. Une puissance qu’il croyait alliée lui a conseillé un exil provisoire et il a perdu son pays. Tant mieux pour les Tunisiens qui ont sûrement à cœur de reprendre la main sur les affaires nationales, de travailler à la renaissance d’une société libre et prospère où il fera bon vivre et rester au pays.

Moubarak a vu le coup venir mais lâché par Barak, il est resté mou et a dégringolé du haut de ses pyramides. La place Al-Tahrir a retrouvé son calme et si, à l’heure de la grande prière, on y entend des imams qui prêchent le meurtre des juifs, ça ne cause pas le moindre trouble à l’ordre public. Espérons que les fidèles écoutent leurs autorités religieuses avec aussi peu de sérieux que les Occidentaux éclairés suivent les préceptes du Pape. Espérons qu’ils retrouvent leur esprit quand ils se relèvent et retournent sur le net.
Kadhafi a besoin, pour tenter de maintenir son emprise sur la Libye, de mercenaires et de soutiens tribaux. Comme en Côte d’Ivoire, l’unité de la nation est un leurre et les fractures sont claniques ou tribales. Cette réalité politique, nous autres Européens la connaissons bien puisqu’elle s’esquisse à Marseille, se précise en Corse ou en Sicile. Et elle s’oppose à toute transition démocratique en Afrique. On voit bien dans ces contrées archaïques où sont les tyrans et les mafieux mais où est le peuple ? Peut-on alors parler de révolution populaire ou plutôt de renversements d’alliances et de guerres civiles ?

Ne péchons pas par excès d’occidentalo-morphisme

Ne nous emballons pas sur l’air du printemps des peuples arabes! En Irak, on a vu tomber la statue du Commandeur et depuis, les attentats sont quotidiens. On peut répéter bêtement que Bush est coupable mais ce sont des Irakiens qui s’entretuent et qui continueront de le faire bien après que les Américains seront partis. Partout, les imams dénoncent la corruption des régimes et rejoignent, dans les termes, les démocrates dans leur critique des tyrans occidentalisés. Mais les Iraniens ont compris à leurs dépens que la vertu des nouveaux maitres peut être plus effrayante que les magouilles des anciens.

Réjouissons-nous cependant que les voleurs soient chassés, espérons que les assassins seront pendus et que les hommes libérés (pour les femmes, on va attendre un peu) sauront décourager les vocations de raïs et remettre les inquisiteurs à leur place mais gardons-nous de pécher par excès d’occidentalo-morphisme en plaçant trop haut la barre démocratique. Le pouvoir au peuple, ça fait rêver mais qu’est ce qu’un peuple souverain sans l’égalité des droits entre les citoyens, sans individus émancipés de l’emprise de leur religion, de leur communauté, de leur clan ou de leur tribu, sans hommes et femmes éduqués, mangeant à leur faim et désireux de dépasser le sentiment d’humiliation et le désir de revanche ? Que deviendront ces masses en fusion, des nations en marche vers l’état de droit ou des collectivités livrées à leurs fureurs ? Quelle voie suivront-elles, celle des Juifs sionistes ou celle des Allemands nazis ? Espérons que les Arabes emprunteront la bonne route. Espérer, c’est tout ce que nous pouvons faire, nous ne sommes pas chez nous.

Si on ne doit pas faire la loi chez les autres, on peut encore, il faut y croire, la faire chez nous où l’heure n’est pas aux révoltes mais aux débats. On ne tire pas en l’air mais on commence à parler dans le vide. Les montagnes de parlottes et d’écrits sur l’identité nationale – ou plutôt sur le danger qu’il y aurait à en parler – ont accouché de souris, ce qui est toujours bon à prendre mais ne suffit pas. On a raison de débattre de la question essentielle de la nation qui est celle de son essence mais après, on fait quoi ? Y a-t-il dans ce pays quelqu’un pour choisir, décider, trancher et discriminer dans l’intérêt supérieur de la nation ? Y a-t-il un pilote dans l’avion nom de dieu ?

À quoi bon constater au sommet de l’Etat l’échec du multiculturalisme quand l’Education nationale continue de dispenser des cours de langue et de culture arabes ? À quoi sert-il de constater, avec toutes les réserves d’usage, le rapport ténu entre immigration, échec de l’intégration et insécurité, quand on bat des records d’Europe en matière d’accueil des étrangers et qu’on s’en félicite ? Pourquoi promettre une guerre contre le crime quand on ne peut rien exiger de juges qui font de la politique au tribunal et que les flics sont si peu autorisés à tirer quand on les affronte à l’arme lourde ? Est-ce pour cacher cette impuissance qu’un roulement de tambour annonce un nouveau débat ?

La France n’a pas besoin d’un débat sur l’islam mais l’islam a besoin d’un débat sur la France

On devait parler d’islam, on parlera de laïcité. On préfère les recadrages collectifs aux frappes ciblées. Il aurait été regrettable et discriminatoire de ne pas aborder les problèmes que posent les autres religions. Pour ne pas donner l’impression qu’il y a en France deux poids, deux mesures, chacun va pouvoir dire ce qu’il pense des juifs qui brûlent le Code pénal, des bouddhistes qui cognent les médecins, des catholiques qui refusent qu’on enseigne la Saint Barthélémy à leurs enfants, des protestants qui prient dans la rue et des adorateurs de la petite sirène qui veulent des horaires de piscines séparés pour qu’on ne rigole pas de leurs écailles.

Sans rire, on entend bien Mélenchon dénoncer le concordat alsacien, Caroline Fourest s’inquiéter des pratiques catholiques et un paquet d’autres s’étonner à haute voix que la collectivité entretienne les cathédrales. On peut les laisser dire mais si on les laisse faire, on finira par s’excuser d’avoir une histoire et un patrimoine.
En réalité, la France n’a pas besoin d’un débat sur l’islam mais l’islam aurait sûrement besoin d’un débat sur la France ou sur le monde libre en général pour savoir s’il a envie d’en faire partie. Les Français connaissent tous le sens du mot « laïcité » et si les derniers arrivés n’ont pas bien compris, qu’on leur adresse un exemplaire du règlement intérieur ou qu’on leur fasse un résumé des épisodes précédents. Pourquoi nous faut-il subir ce bla-bla ? Pour expliquer à la religion d’importation récente, sans la montrer du doigt car il ne faut surtout pas stigmatiser, que nous n’avons pas réduit nos corbeaux à l’impuissance pour nous laisser emmerder par des barbus venus d’ailleurs ?

Il n’y a rien à négocier alors de quoi parlerons-nous ? D’un financement public des mosquées ? J’entends déjà les termes du chantage qu’on nous présente comme un compromis raisonnable : l’argent saoudien, les prières dans la rue et les imams terroristes ou la main à la poche du contribuable. Mais comment ont fait et font encore les autres culs-bénits ? Nous avons la laïcité la plus avancée d’Europe, n’y touchons pas ! Les peuples de l’Union qui se sont raisonnablement accommodés avec leurs religions anciennes sont aujourd’hui assiégés par des revendications nouvelles. L’Europe sécularisée n’est pas une forteresse abritant un club chrétien, juste un barrage filtrant qui ouvre l’espace public à tous les individus et le ferme à leurs exigences religieuses.
Les termes de ce « débat » pourraient tenir dans un tract : « La République laïque, tu l’aimes, tu te débrouilles pour ton temple et tu restes discret ou tu la quittes ». Voilà comment ça a toujours marché pour les fous de dieu et les indélicats qui pratiquent l’impérialisme culturel. Un tract et une trique, et un chef pour manier habilement des deux, vite, avant qu’un dictateur s’impose.



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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