Monsieur le Premier ministre,
Je m’adresse directement à vous plutôt qu’à votre supérieur hiérarchique, qui semble complètement dépassé par les événements. A sa décharge, il nous avait prévenus : il serait un président normal. Manque de bol, ça tombe au moment où la France est en train de vivre l’une des plus sinistres périodes de son histoire.
La gauche Titanic
Je vous écris car vous me semblez être l’un des rares, dans votre camp, à prendre la mesure de la situation. Rassurez-vous, ce n’est pas un réac qui rédige ces lignes. Vous me direz, ce mot a été tellement galvaudé par vos amis, qu’il ne signifie plus grand-chose. Non, l’auteur de cette lettre est même quelqu’un qui a longtemps voté à gauche mais qui, comme des millions de Français, s’en est éloigné progressivement. L’âge et le fait d’être père de famille peut-être. Le discours victimaire de vos amis et leur mollesse face à l’islamisme, sûrement.
La gauche me fait désespérément penser au capitaine du Titanic. Alors que l’eau s’infiltre de toute part et que le bateau coule, l’honorable capitaine préfère sombrer avec, en tenant dignement la barre. Question de principe. Ah, les principes ! Nous avons les mêmes. Je suis, comme vous, attaché aux valeurs de la République et des Lumières, ainsi qu’à l’Etat de droit. Mais lorsque nous sommes en guerre, comme vous nous le martelez quotidiennement, peut-on décemment s’arc-bouter sur ces principes si ceux-ci nous empêchent de combattre efficacement l’ennemi ? C’est notre mode de vie et notre vie tout court qui sont en jeu ici !
Disons-le autrement. L’État de droit est un principe intangible en temps de paix. L’est-il aussi en temps de guerre, lorsque c’est l’existence de nos enfants, de nos femmes, de nos amis juifs, de nos prêtres, de nos dessinateurs, de nos forces de l’ordre qui sont menacées ? Vous avez encore déclaré hier, au journal de TF1, que « ce n’est pas en mettant en cause nos droits que nous gagnerons la guerre contre le terrorisme ». N’y a-t-il pas quelque chose d’effrayant à se priver des mesures adéquates contre ces monstres au nom du sacrosaint droit ? Croyez-vous que Churchill, de Gaulle, Jean Moulin et consorts ont combattu nos ennemis et la barbarie nazie avec délicatesse ? Et Clemenceau – je sais que vous l’admirez -, a-t-il consulté le Conseil d’Etat pour mener la France à la victoire en 1918 ?
Mettre nos ennemis hors d’état de nuire
Il y a un gros problème. Un problème tragique. Les barbares qui égorgent, mitraillent, écrasent nos enfants et nos concitoyens, on les connaît. Ils ont quasi systématiquement le même profil et profitent de notre pudibonderie légaliste, bref de notre faiblesse. Ce sont de jeunes musulmans (disons entre 18 et 45 ans pour faire large), binationaux ou étrangers, avec un casier judiciaire et souvent fichés S. Or, respectueux de « l’Etat de droit », on s’interdit de les empêcher de passer à l’acte et beaucoup se faufilent entre les mailles de notre surveillance policière. Il faut dire qu’ils sont si nombreux sur notre territoire… Combien de temps va-t-on encore accepter cette situation ?
Kennedy disait que la politique consiste à choisir la moins mauvaise des solutions. Raymond Aron ajoutait : « le choix en politique n’est pas entre le Bien et le Mal mais entre le préférable et le détestable. » Le risque zéro n’existera jamais en matière de terrorisme. Mais nous avons la possibilité de réduire fortement la menace en expulsant ou en mettant hors d’état de nuire (par privation de leur liberté, de tuer) ceux qui ne partagent pas les valeurs de la République française, ne respectent pas ses lois et risquent de commettre à tout moment des atrocités. Rien de fascisant, me semble-t-il, à prendre de telles mesures pour sécuriser notre pays et protéger nos familles. Il ne s’agit pas de cibler une communauté entière, mais les délinquants multirécidivistes ou les fichiers S d’une communauté. Dans le cas contraire, nous nous condamnons à mener une guerre asymétrique face à des ennemis qui, eux, n’ont peur de rien, surtout pas de mourir.
Certes, cela présente des inconvénients : la communauté musulmane risquerait de se sentir « stigmatisée », un mot qu’on dégaine si facilement de nos jours. C’est extrêmement regrettable, je vous l’accorde, mais tragiquement secondaire vis-à-vis de la menace à laquelle nous devons faire face. Il n’y a pas de solution idéale monsieur le Premier ministre. Et si nous attendons une mesure qui permette de combattre efficacement la barbarie islamiste, sans que la communauté musulmane ne se sente stigmatisée et en respectant scrupuleusement l’État de droit actuel, on risque d’attendre longtemps et de continuer à se faire massacrer au coin de la rue, à la terrasse d’un café, dans une église, une salle de concert ou ailleurs… Lequel de ces deux choix vous semble le moins détestable ?
Monsieur le Premier ministre, il faut absolument que vous hiérarchisiez les menaces. Le plus grave, ce n’est pas l’amalgame ou la stigmatisation, aussi condamnables soient-ils. Quant à la montée du FN (j’entends cela depuis trente-cinq ans), vous et vos amis contribuez à l’alimenter en égrenant un discours victimaire et en combattant la barbarie avec autant de tabous. En désespoir de cause, une majorité de nos compatriotes se jetteront tôt ou tard dans les bras de ceux qui leur paraissent les plus fermes et décomplexés face à l’horreur. Surtout si, comme c’est malheureusement probable, les attentats se poursuivent ou s’amplifient. Les bougies, les minutes de silence, vos discours martiaux, l’Etat d’urgence ou la réorganisation des services de police ont visiblement le même effet qu’un pansement sur une jambe gangrenée.
Relisez les Mémoires de Churchill, qui écrit dès les premières pages de son livre que « la malveillance des méchants est renforcée par la faiblesse des vertueux ». Ou encore page 165, évoquant la politique de Chamberlain, si faible face à Hitler : « De nobles intentions jugulées par l’inertie et la timidité ne peuvent rien contre une malfaisance résolue et bien armée. » Soyez Churchill plutôt que Chamberlain monsieur le Premier ministre !
Nous sommes confrontés aux nazis du XXIe siècle. Peut-être sont-ils plus redoutables encore. Parce que eux, ils n’ont pas peur de la mort, ils la souhaitent. Allons-nous attendre un 11 septembre à la Française et des milliers de victimes comme le redoutait le juge Trévidic l’an dernier pour agir au lieu de réagir ? Face à la barbarie, l’éthique de responsabilité ne doit-elle pas primer sur l’éthique de conviction ? La lucidité, l’efficacité et l’action sur tout le reste ?
Les prochains attentats briseront encore de nombreuses familles. Ils seront sans doute perpétrés par des jeunes musulmans connus de la justice, voire fichés S. Nous le savons, vous le savez déjà…
Salutations républicaines
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !