Sondage auprès de mes élèves : sur 16 lycéens, 3 soutiennent Charlie Hebdo. Si deux s’abstiennent (fainénantise oblige), une majorité pensent que les caricatures sont injurieuses. Il serait donc tout à fait raisonnable de faire comprendre aux dessinateurs de Charlie Hebdo, par un effort de pédagogie sans doute, qu’ils ne doivent plus s’en prendre à Mahomet.
Dans mon cerveau un rien éberlué surgit, l’espace d’un éclair, ce nouvel impératif kantien : « Agis toujours en public de telle manière qu’un musulman ne se sente pas blessé dans sa foi », parodie grimaçante de l’universalité authentique. S’il en allait ainsi, un non-musulman serait contraint de ne pas rire toutes les fois qu’un imam entend rester sérieux sur quelque chose. En d’autres termes, d’agir conformément à un dogme.
À cette manoeuvre dogmatique contre la laïcité s’ajoute la tonalité compassionnelle du débat. Le dogme avance masqué. Il prend la forme d’une blessure, d’une injure personnelle qui placerait le non musulman en position de débiteur – ou d’agresseur. Puisque je suis blessé, tu me dois réparation. Quoi de plus simple en apparence ? À ceci près qu’un musulman est blessé parce qu’il se sent tenu d’obéir à un dogme. Demander réparation pour une offense, c’est, encore et toujours, demander à un non-musulman de se comporter conformément à un dogme.
Nous avons débattu deux heures. Dans le calme et sans hostilité. La France n’a pas de religion d’Etat et je ne suis pas là pour changer vos convictions religieuses, leur ai-je dit, ce qui leur a beaucoup plu. Seulement voilà : cette absence de prosélytisme possède une contrepartie. Aucun croyant ne doit émettre une règle générale qui pourrait dicter à un non-croyant, directement ou indirectement, ce qu’il doit faire.
Les musulmans de France doivent savoir ce qu’ils peuvent attendre du « respect » touchant leur sensibilité : tout sur le plan personnel (principe de cordialité), rien sur le plan théorique et républicain.
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