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Isabelle Duquesnoy: le soleil noir de Louis XIV

Isabelle Duquesnoy publie "La Chambre des diablesses" (Robert Laffont, 2023)


Isabelle Duquesnoy: le soleil noir de Louis XIV
La romancière française Isabelle Duquesnoy © Astrid di Crollalanza

Dans La chambre des diablesses (Robert Laffont), la romancière donne un véritable roman noir et violent autour du personnage de La Voisin, tueuse en série du Grand Siècle.


On dit que notre société s’ensauvage, qu’elle est de plus en plus violente, que le relativisme agit comme la gangrène sur la jambe d’un grand blessé, que la frontière entre le bien et le mal s’oblitère sous les coups de gomme des séries diffusées sur Netflix. Si vous êtes d’accord avec ce constat, ne lisez surtout pas le nouveau roman d’Isabelle Duquesnoy, La Chambre des diablesses, vous risqueriez de vous imaginer en train de vomir sur les tombes d’un cimetière écossais, une nuit de pleine lune, après avoir asséché le pub du coin.

Car Duquesnoy frappe fort, très fort même en convoquant la truculence de Rabelais associée à la perversion de Georges Bataille. Le cocktail est détonnant, et offre un plaisir de lecture orgasmique ! Ça trucide à tour de bras, ça copule, empoisonne, des nourrissons sont sacrifiés pour récupérer leurs organes. Il faut faire bouillir la marmite des sorcières. Les fluides corporels coulent à flots. L’histoire de France ressemble à une sentine.

Scandales et sorcellerie

Le règne de Louis XIV, donc. D’un côté, la magnificence de Versailles ; de l’autre, les turpitudes de la plus célèbre des tueuses en série françaises, Catherine Monvoisin, que la postérité retiendra sous le surnom de La Voisin qui, paraît-il, faillit empoisonner le roi et sa maitresse, Angélique de Scorailles, âgée de dix-sept ans, sur ordre de la favorite délaissée, la fameuse Montespan. Le début du roman d’Isabelle Duquesnoy s’ouvre sur l’exécution de La Voisin. La foule vient la voir brûler. Louis XIV l’a exigé. On ne badine pas avec la colère du roi. La Voisin ne se laisse pas faire. « Elle s’agite comme une possédée », écrit Duquesnoy qui précise avec délectation, faisant de nous des voyeurs: « Les flammes commencent par lécher ses chevilles, puis le bas de sa robe, avant de s’élever en bourrasque, comme aspirées vers son visage. Et puis, d’un seul coup, la fumée montant vers le ciel emporte les cheveux fondus de Maman. » En fait, c’est la fille de La Voisin qui s’exprime, Marie-Marguerite, accusée de complicité et sommée de livrer les secrets de sa machiavélique mère, de révéler ses formules soufflées par le diable et la liste de ses clients dans la haute noblesse courtisane.

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Un scandale énorme sur fond de sorcellerie moyenâgeuse. C’est la retentissante affaire des poisons. On découvre un récit hallucinant, « turpitudesque ». On est plongés au cœur de l’abjection humaine. « Ma guiguite, il est temps que je t’enseigne les rudiments de mon art », confesse La Voisin à sa fille. Elle parle d’art, mais comprenez son talent pour préparer moult poisons auxquels il est impossible de réchapper. « Guiguite » parviendra-t-elle à sauver sa peau ? Vous le saurez en dévorant le livre d’Isabelle Duquesnoy, qui nous avait déjà conquis avec La pâqueline ou les Mémoires d’une mère monstrueuse. Ici, c’est simple, elle nous ensorcelle avec le singulier destin de la jeune « Guiguite ». Et renforce notre côté paranoïaque devant un dîner aux chandelles préparé par une ancienne conquête.


Dans ce théâtre de possédés, le César d’horreur est attribué à l’abbé défroqué Guibourg – personnage bataillien – spécialiste des messes noires. Extrait : « Guibourg posa le corps inerte sur la table. Marie-Marguerite fut saisie de compassion pour ce bébé sans vie et s’empara d’un lange pour l’emmailloter. Mais l’abbé la repoussa d’un coup de coude et, d’un geste discret de l’index, lui désigna la chaise où aller s’asseoir. Alors il ouvrit la poitrine du nourrisson, qui ne saignait pas. Il y glissa deux doigts, afin de toucher son cœur. Là, il parvint à recueillir un peu de sang, cailloté, qu’il étala sur le rebord du calice. »

Isabelle Duquesnoy, La Chambre des diablesses, Robert Laffont.

La Chambre des diablesses

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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