Pour le centenaire de sa naissance, le Grand Palais célèbre la photographe américain Irving Penn (1917-2009). Cette exposition est un enchantement: l’oeuvre du magicien du gris y est sublimée par la sorcellerie muséale.
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Ni vraiment renfrogné ni vraiment satisfait, résigné peut-être, terriblement présent : ainsi apparaît Alfred Hitchcock dans l’œil d’Irving Penn. Le metteur en scène, entre deux âges, se tient assis, de profil, mais le visage blafard tourné vers l’objectif, comme maintenu par la lumière qui colonise son front dégarni et souligne la masse de ses mains potelées. Un halo épouse la ligne de son dos, qui se détache nettement du fond, et produit un contraste savant avec son corps replet noyé dans l’étoffe d’un complet noir. Ici, Hitchcock ne dirige rien, il est le sujet impeccable d’une scène, qui surprend son humanité. Rien ne fait obstacle au sujet, rien ne s’interpose entre lui et l’objet du photographe.
Voici Picasso : nous sommes en 1957, à Cannes, à l’intérieur de La Californie, propriété du peintre (anciennement villa Fénelon). Picasso se présente devant le photographe coiffé d’un chapeau, le cou et les épaules enfouis sous une sorte de cape. Il se met en scène, s’impose ainsi vêtu, réduisant en apparence la part qui revient à Irving Penn. Or, de l’apparence, celui-ci fera naître la réalité : Picasso a-t-il voulu se dissimuler ? Qu’à cela ne tienne, Penn, grâce à un remarquable travail postérieur à la prise de vue, qui restitue toutes les variations
