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Irremplaçable Antoine Dupont

Un double contrat signé entre Antoine Dupont, le Stade Toulousain et la FFR empêche le champion de revenir en Tournoi des 6 Nations 2024


Irremplaçable Antoine Dupont
© Andrew Fosker/Shutterstock/SIPA

L’équipe de France s’est lourdement inclinée face à l’Irlande vendredi dernier (17-38). Cette défaite face au XV au Trèfle a également mis en lumière l’absence d’Antoine Dupont, qui débute aujourd’hui sa préparation pour les Jeux Olympiques avec les Bleus du 7. « J’ai vécu cette rencontre comme tout le monde, je pense. C’était difficile de voir l’équipe de France en difficulté. Jouer en infériorité numérique au niveau international, on sait la difficulté que c’est. Les Irlandais étaient très bien préparés, et la marche était trop haute, je pense. Nous nous sommes mis trop de bâtons dans les roues », a commenté l’ancien capitaine de l’Équipe de France sur Canal +.


L’équipe d’Irlande a broyé l’équipe de France à Marseille pour le premier match du Tournoi des Six Nations. La communication des joueurs et de l’entraîneur Fabien Galthié, en prenant acte de la déroute, l’a minimisée, affirmant qu’on allait l’analyser et qu’on ferait mieux la prochaine fois. Bon courage contre l’Écosse le 10 février !

Ce n’est pas parce que je suis seulement un sportif en chambre que je n’aurais pas le droit de tirer du sport tous les enseignements qu’il prodigue. Cette activité, quand elle se dispute au plus haut niveau, montre à quel point certaines de nos banalités convenues sont inadaptées à la réalité de beaucoup d’échecs ou de réussites. La leçon capitale de cette récente défaite est que, si les cimetières sont peut-être remplis de gens irremplaçables, il existe cependant, dans le cours de l’existence, des personnalités irremplaçables. Au sens propre, des êtres dont l’absence sera absolument préjudiciable et rendra beaucoup plus difficiles, voire impossibles les victoires d’hier. Antoine Dupont est irremplaçable et, sans désobliger son successeur Maxime Lucu, celui-ci l’a démontré par sa dernière prestation.

Au-dessus du lot, pourquoi ne pas l’admettre ?

Je ne vois pas pourquoi cette constatation serait déprimante. Elle est une évidence pour moi et si elle est refusée la plupart du temps, c’est à cause d’une volonté parfaitement artificielle de laisser croire à une égalité entre tous. Cette occultation se piquant d’être progressiste est démentie par mille exemples qui se rapportent aux activités humaines, du divertissement à la politique, de la pensée à l’Histoire.

Contre le démenti qu’apporte à ce poncif l’indiscutable éclat de la singularité indépassable de quelques personnes, on est contraint de proférer que nul ne se distingue jamais, que seul vaut le travail en équipe, que le pluriel l’emporte sur le singulier et que chacun apporte sa petite pierre à l’édifice. C’est une ânerie. Elle a le mérite de nous donner bonne conscience et de créer en nous l’illusion que nous sommes à la même hauteur que les plus brillants dans les exercices de la vie, du sport, de la justice, de la politique, de l’art ou des médias.

On confond le caractère unique de chaque être humain avec le refus d’admettre que tel ou telle est clairement au-dessus du lot. Il ne faut pas s’en plaindre mais s’en féliciter.

Antoine Dupont est irremplaçable dans le XV de France et il a tout à fait le droit de vouloir gagner un titre olympique avec le rugby à sept. Sa délicatesse qui le conduirait à me contredire n’y changerait rien. Mais qu’on ne fasse pas semblant de tenir pour rien ce départ : il va être dévastateur.

La tarte à la crème du « personne n’est indispensable »

Qui peut nier la lucidité de cette intuition que, ici ou là, des personnalités irremplaçables ont illustré ou illustrent notre humanité ? Si elles n’avaient pas existé, le monde aurait été orphelin. Un Jacques Anquetil n’a jamais été remplacé. Un Charles de Gaulle non plus. Un Noureev pas davantage. Une Callas encore moins. Un Gérard Philipe pas du tout. Un Jean-Paul Sartre, contre la splendide fin des Mots, reste unique. Alain Finkielkraut ne peut aujourd’hui se voir substituer personne. Fabrice Luchini, dans son genre, est inimitable. Je pourrais citer quelqu’un dans mon univers médiatique mais son authentique modestie en souffrirait. Les cimetières pleins de gens irremplaçables ? Sans doute. Mais on ne cesse de les regretter. Leur disparition laisse une béance là où ils sont passés.

Demain, le plus tard possible, certains nous priveront de la magie de leur apport fondamental à tout ce qui sollicite notre curiosité, notre admiration artistique, notre passion citoyenne, notre goût de la compétition…

Cette incapacité à admettre qu’au-dessus de la multitude il y a des étoiles et que si elles s’éteignaient, l’univers serait moins riche, a paradoxalement pour conséquence le fait qu’à rebours on banalise les dilections, on applaudit des médiocres, on surestime des vulgaires, on porte aux nues des essayistes, des sociologues, des formateurs et des gourous qui écrivent ce qu’on sait déjà ou prétendent vivre à notre place, on vante des artistes dont le talent relève d’une quête désespérée, on loue des politiques qui sont interchangeables. Comme on répugne à rendre hommage aux êtres irremplaçables, on se rengorge en soutenant que tout le monde est remplaçable. La vie, toutes les vies, sous quelque forme que ce soit, démontrent le contraire. Antoine Dupont est irremplaçable. Pour trouver un successeur valable, il convient d’abord d’accepter cette évidence. Et qu’il y ait des irremplaçables nous honore tous.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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