Fervent catholique, le sociologue Philippe d’Iribarne s’inquiète dans son dernier livre[1] de la fièvre relativiste qui s’est emparée du Vatican depuis l’élection du pape François.
Quand il était au CNRS, Philippe d’Iribarne laissait ses convictions religieuses au vestiaire. Il faut dire que son domaine de recherches (le monde du travail et la diversité des systèmes de valeurs qui s’y exercent) requiert la neutralité la plus stricte chez l’observateur. Mais depuis qu’il a pris sa retraite, au terme de quarante années d’une carrière passionnante marquée par des publications phares comme La Logique de l’honneur (Seuil, 1989), c’est aussi en tant que croyant qu’il intervient dans le débat public.
Son dernier ouvrage n’en est que plus touchant. A bientôt 88 ans, d’Iribarne s’y penche, documents à l’appui, sur la crise profonde que traverse l’Eglise et qui l’affecte lui-même. Sur un ton tout sauf querelleur, le sociologue décrit un phénomène troublant: à présent, même parmi les fidèles ayant soutenu l’aggiornamento de Vatican II, bon nombre de catholiques sont mal à l’aise quand le pape fait les yeux doux au wokisme.
Difficile en effet de ne pas être stupéfait quand, en 2019, le souverain pontife publie une Déclaration d’Abou Dhabi (texte dont le titre officiel est : Document sur la fraternité humaine, pour la paix mondiale et la coexistence commune), dans laquelle il écrit : « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine. » Lui qui est jésuite, c’est-à-dire l’enfant spirituel des missionnaires ayant évangélisé son Amérique latine natale, sait pourtant bien que l’adhésion au credo ne procède en rien de l’identité biologique, ethnique ou culturelle.
Et comment ne pas être effaré quand, en 2023, il déclare, avant de se rendre dans la cité phocéenne : « J’irai à Marseille, mais pas en France » ? En tant que chef d’Etat, ne connaît-il pas l’importance des institutions nationales ? Que dirait-il si l’un de ses visiteurs officiels affirmait, au moment de rentrer dans la basilique Saint-Pierre, que celle-ci se trouve à Rome mais pas au Vatican ?
Lorsqu’on pousse l’adoration des peuples du Sud jusqu’à nier la vocation universelle de son propre culte, lorsqu’on s’essaye au jeu du radicalisme chic en déniant aux peuples occidentaux les cadres et les conventions dont on est pourtant le premier à bénéficier, ne risque-t-on pas de sombrer dans l’aveuglement, la haine de soi, l’anomie ? Se gardant d’attaquer frontalement le Vatican, d’Iribarne plaide pour une autre voie, moins progressiste que celle du pape sans être tradi, et identifie certains signes
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