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Iran: la désescalade?


Iran: la désescalade?

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(Avec AFP) – « Avec la levée des sanctions et l’entrée en vigueur de l’accord nucléaire, 32 milliards de dollars d’avoirs bloqués seront libérés », a annoncé mardi le président de la banque centrale d’Iran, Valiollah Seif, cité mardi par la télévision d’Etat. L’accord nucléaire conclu en juillet 2015 et entré en vigueur samedi prévoit que les sanctions internationales seront progressivement levées dans les dix prochaines années. Téhéran a également annoncé le retour de l’Iran au sein du système bancaire international SWIFT et l’ouverture de 1.000 lettres de crédits par des banques étrangères, autant de mesures qui vont permettre à l’Iran de se réinsérer dans l’économie mondiale. Dans un discours prononcé aujourd’hui devant des acteurs économiques, le président Hassan Rohani a demandé un effort général pour endiguer « la récession et le chômage ». « Aujourd’hui est un commencement. Le commencement d’un jeune innocent qui était enchaîné injustement depuis 12 ans », a-t-il ajouté, en faisant allusion aux sanctions internationales qui ont durement touché l’économie iranienne depuis plus une décennie.
Le président iranien a répété  que l’Iran avait besoin de « 50 milliards de dollars d’investissements étrangers » par an pour assurer une croissance économique de 8% alors que le pays se trouve actuellement en récession.

Mais la chute du prix du pétrole, tombé sous les 30 dollars, handicape particulièrement l’action du gouvernement. La baisse vertigineuse des prix du baril ces derniers mois découle d’une augmentation de la production de brut saoudien, Riyad utilisant l’arme du pétrole pour affaiblir ses rivaux géopolitiques au Moyen-Orient, à savoir la Russie et l’Iran. Cette semaine, les cours ont connu une nouvelle chute provoquée par l’annonce d’un pic de production iranien après l’entrée en vigueur de l’accord nucléaire.

Au-delà des contingences économiques, « la mise en oeuvre de l’accord nucléaire est un tournant » qui « ouvre la voie à un investissement majeur de l’Union européenne dans nos relations bilatérales » avec la République islamique, a annoncé la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini. Avec la réhabilitation progressive de l’Iran, qu’a illustrée le récent échanges de prisonniers entre Téhéran et Washington, les cartes se redistribuent en effet dans la région, au détriment de l’Arabie Saoudite, de plus en plus critiquée en raison de son refus de tout compromis avec l’axe Russie-Syrie-Iran dans la crise syrienne.

Si ces développements signent la victoire provisoire du camp religieux pragmatique emmené par le Président Rohani, les conservateurs iraniens n’ont pas dit leurs derniers mots. Jusqu’aux législatives du 26 février, Rohani peut espérer engranger les bénéfices électoraux de sa politique d’ouverture vers l’Ouest, à moins que la majorité de ses candidats ne se voient barrer la route par le Conseil des gardiens, chargé de sélectionner les impétrants. Rohani a d’ores et déjà engagé un bras de fer avec les institutions de la République islamique afin d’avoir une chance de remporter les prochaines législatives, tandis qu’une vague d’invalidations frappe son camp.

Comme toujours en Iran depuis 1979, l’attention des observateurs devrait se polariser autour du Guide Ali Khamenei, pivot incontesté du régime, malgré son cancer de la prostate. Le vieux de la vieille Rafsandjani a dernièrement évoqué l’hypothèse d’une direction collégiale du pays en cas de décès du Guide, dont l’intransigeance n’a cependant pas empêché la conclusion de l’accord de Genève. Soufflant le chaud et le froid, Khamenei a consenti à prendre langue avec les Etats-Unis pour sortir son pays de la nasse économique dans laquelle les sanctions internationales l’avaient enfoncée. En dépit de leur aversion proclamée pour le « Grand Satan », les hiérarques de la République islamique se tournent de plus en plus vers les Etats-Unis, sur le modèle de la Chine des années 1970. Bien sûr, du Yémen à la Syrie en passant par le Liban qui attend toujours son Président, les sujets de contentieux entre les deux puissances sont légion, mais le début de rapprochement irano-américain ne laisse pas d’inquiéter l’Arabie Saoudite. S’il arrive que l’Histoire repasse les plats, Riyad n’a aucune envie de jouer le rôle de l’URSS, dindon de la farce de la réconciliation sino-américaine. Back to the seventies ? L’avenir nous le dira.

*Photo: © IRANIAN PRESIDENCY/AFP STRINGER.



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