Ce n’est pas pour modérer l’optimisme de certains mais je crains fort que la capitale des chrétiens irakiens ne déménage de Qaraqosh à Sarcelles. La progression des salafistes de l’Etat islamique au Levant semble inexorable, au grand dam des chrétiens, chiites, sunnites non-fêlés, et autres yazidis. Comment en est-on arrivé là ?
Bien entendu, la pax americana ne sort pas indemne de l’inventaire. Que dix ans après la chute du sanguinaire Saddam Hussein, les Etats-Unis aient dépensé plus de dollars qu’il n’en faut pour acheter tout l’or noir du Golfe persique et aboutissent à ce résultat-là ne laisse pas d’étonner. Bush – pour expliquer le maintien des GI’s en Irak -, puis Obama – afin de justifier leur départ – nous ont assez tannés avec l’équipement et la formation d’une armée nationale irakienne épurée. Brillant résultat.
Mais ne cédons pas à l’anti-américanisme primaire. Les troupes yankees ayant quitté le pays des deux fleuves, il revient aujourd’hui au gouvernement irakien de tenir les rênes de l’Etat – ou de ce qu’il en reste. Avec succès : son chef Nouri Al-Maliki atteint des sommets de népotisme et le marasme sécuritaire confine à la guerre civile sunnites/chiites ! Perçu comme une marionnette de l’Iran, qui lui cherche ouvertement un successeur, le Premier ministre irakien ne fait même pas l’unanimité dans ses rangs. Il se murmure que les services de sécurité irakiens reprochent à Maliki de ne pas redistribuer l’argent de la rente au petit peuple chiite, dont certains mouchards auraient noué une alliance contre-nature avec l’Etat islamique au Levant et en Irak. Tout aussi vénaux mais moins malhabiles que le Premier ministre, les terroristes savent s’acheter une clientèle, eux.
Troisième larron de ce brelan d’incapables, l’Iran ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Non content d’avoir récupéré son joujou irakien, la République islamique a longtemps tenu Maliki à bout de bras, avant de le soutenir comme la corde le pendu. Téhéran a beau jeu de s’ériger en rempart contre le salafisme – par hezbollahis et pasdarans interposés -, sur le terrain, ce sont les combattants kurdes qui mordent la poussière face à l’insurrection sunnite irakienne.
Avec un chouïa de logique, on en déduit que les trois grands responsables du désastre irakien devraient s’unir face au péril salafiste[1. Nous n’avons pas écrit « salafo-qatari » mais nous l’avons pensé très fort…]. Mais c’est une autre histoire…
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !