(Avec AFP) – Les forces gouvernementales irakiennes ainsi que plusieurs milices chiites préparent une contre-offensive imminente pour reprendre Ramadi, ville irakienne dont la prise par le groupe Etat islamique le week-end dernier constitue un « revers » selon Washington, allié de Bagdad. La bataille de Ramadi a fait en trois jours au moins 500 morts –civils et soldats– selon des responsables, et environ 24.000 personnes ont fui la cité d’après l’Organisation internationale des migrations
Fait notable, les Américains ont reconnu que les milices chiites, dont certaines sont soutenues par l’Iran, « ont un rôle à jouer (à Ramadi) tant qu’elles sont sous le contrôle du gouvernement irakien ». Il s’agit pourtant du « berceau de la communauté sunnite, qui n’a pas complètement rejeté l’Etat islamique », indique l’expert Ayham Kamel, directeur du groupe Eurasia pour le Moyen-Orient. Pourtant, la nouvelle stratégie militaire de Bagdad qui consiste à brasser sunnites et chiites dans des régiments mixtes n’a pas résisté à la détermination djihadiste. Rompant avec le sectarisme de son prédécesseur Maliki, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s’est employé à moderniser l’armée nationale à marche forcée, de façon à éviter l’affrontement confessionnel entre chiites et sunnites. Las, l’art levantin de la guerre a montré sa dure réalité : face à des mercenaires fanatisés à bloc, seules des unités chiites formées par les Gardiens de la Révolution iraniens, avec l’accord tacite des Américains qui bombardent la zone, parviennent à reprendre du terrain. Comme quoi, la stratégie militaire ne s’embarrasse de grands principes…
Il est assez piquant de noter que les détracteurs du gouvernement irakien sont ceux-là mêmes qui dénonçaient – à raison- l’esprit de caste des cabinets Maliki, dont le népotisme, le confessionnalisme exacerbé, la corruption et l’incompétence ont exaspéré jusqu’à la communauté chiite. Exemple parmi d’autres, en juin 2014, la fuite en rase campagne du gouverneur militaire de Mossoul retirant ses troupes sans combattre face à l’avancée de l’Etat islamique, ne fut suivie d’aucune sanction, pour la bonne et simple raison que ce haut-gardé était un proche de Maliki.
Tout ceci ne nous dit pas comment le pouvoir de Bagdad, désormais identifié à l’axe chiite Hezbollah-Damas-Teheran, reprendra pied dans les fiefs de la rébellion sunnite. Une fois la victoire militaire acquise – ce qui n’est pas encore fait -, seul l’appui des élites et de la petite bourgeoisie baathiste aujourd’hui marginalisées pourra assurer la stabilité de la région. Bref, la politique reste la continuation de la guerre par d’autres moyens… et avec d’autres hommes.
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