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Inutile de vous occuper de vos enfants


Faut-il vraiment plus de professeurs dans les classes ? Plus de conseillers pédagogiques et plus de médiateurs ? Plus de pédopsychiatres ? Et plus de fermeté et d’attention, voire d’amour, de la part des parents pour que leurs enfants deviennent de brillants sujets ou, au moins, d’honnêtes citoyens plutôt que des ratés ou des délinquants, voire des désaxés ? On connaît la réponse de Freud à la question d’une mère très angoissée par l’avenir de son fils :  » Quoi que vous fassiez, ce sera mal… »

Bryan Caplan, professeur à l’Université George Mason aux États-Unis, est arrivé à la même conclusion que Freud :  » Tant que vous n’enfermez pas votre enfant dans un placard, il s’en sortira.  » Ou pas, selon les cas. Inutile donc de lui imposer des visites de musée ou des cours de musique, de vous saigner pour l’inscrire à l’École Alsacienne ou de lui enseigner les rudiments de la morale ou du civisme. Ces énormes investissements en temps, en argent, en affection ne produisent, selon Caplan, qu’une infinitésimale différence sur le destin de votre enfant. Il est même probable que tout ce que vous ferez pour lui, se retournera contre vous : la vocation sacrificielle est celle qui entraîne les pires déboires. Mieux vaut laisser chacun voguer à son gré pour le meilleur comme pour le pire…qui, comme l’expérience nous l’enseigne, sont difficilement discernables.

Et si vous n’êtes pas convaincu, lisez le dossier :  » Avoir des enfants est-il immoral ? » publié ce mois-ci par  » Books « . L’auteur de ce dossier, Elizabeth Kolbert du  » New Yorker « , a eu également l’excellente idée de citer le livre de mon ami David Benatar :  » Better never to have been : the harm of coming into existence  » ( Oxford University Press …. J’incite les éditeurs français à le traduire ) qui soutient une thèse radicale, à savoir que si nous avions tous conscience du mal que nous faisons en ayant des enfants et décidions d’y mettre fin, l’humanité disparaîtrait en l’espace d’un siècle environ. Aux yeux de Benatar, c’est une perspective hautement souhaitable. Nous sommes quelques uns à le penser, pas suffisamment sans doute. Elizabeth Kolbert rappelle que des civilisations plus sensibles à la dimension tragique de l’existence ont entrevu cette vérité. Le titre de l’ouvrage de Benatar fait référence à un passage de la pièce de Sophocle,  » Œdipe à Colone « , où le chœur a ces mots :
 » Ne pas être né vaut mieux que tout.
Le meilleur après cela, dès qu’on a vu la lumière,
Est de rentrer très promptement dans la nuit d’où on est sorti.  »

C’est aussi une allusion au vieil adage juif :  » La vie est si affreuse qu’il eût été préférable de ne pas naître. Qui est heureux ? Pas un parmi des centaines de milliers.  »



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