Une tribune d’Anne Coffinier, présidente de Créer son école et d’Educ’France
On s’attendait à un tour de vis supplémentaire sur les écoles privées hors contrat, mais c’est sur l’instruction en famille que les foudres présidentielles sont tombées vendredi.
Le Président Macron a en effet annoncé que le projet de loi sur le séparatisme interdirait de faire l’école à la maison, hormis pour les élèves handicapés ou malades. 50 000 enfants seraient instruits en famille aujourd’hui. Ce chiffre serait en expansion, et le confinement aurait donné l’idée à de nouveaux parents de se lancer dans l’aventure. Il faut dire que quand les enfants sont jeunes, ou qu’on habite dans la ruralité, c’est souvent tellement plus simple et plus naturel que de les envoyer « en collectivité » !
On écrase une mouche avec un marteau
Si le projet de loi est adopté, les enfants seront donc obligés d’être instruits dans des établissements scolaires, et ce, dès trois ans, puisque c’est l’âge de l’instruction obligatoire depuis la rentrée 2019. Peu importe qu’ils ne soient pas encore propres, qu’ils habitent loin de toute école et qu’ils s’épuisent en longs temps de trajet pour se rendre dans leur établissement scolaire. On imagine mal un enfant de trois ou quatre ans faire chaque jour 45 minutes de bus ou de voiture aller et 45 minutes retour, s’il vit dans la « périphérie ». Finis les horaires aménagés pour suivre le rythme des enfants ! Finies les longues siestes à la maison, pour ceux qui en ont besoin. Ce sera l’école obligatoire de trois à 16 ans. Inhumaine.
Mais est-ce vraiment en imposant l’école pour tous et à tout âge qu’on éradiquera le séparatisme islamiste ? Combien de familles pratiquent-elles « le homeschooling » pour des raisons de séparatisme islamiste ou même pour des raisons essentiellement religieuses ? Sûrement une infime partie de ces 50 000. L’État reconnaît avoir d’ailleurs d’avoir de problème qu’avec deux à 3000 enfants. N’est-ce pas écraser une mouche avec un marteau ? Ne serait-ce pas plus indiqué de renforcer les efforts de détection et de fermeture des écoles non déclarées ou des lieux de formation islamiste clandestins ?
Un décision hypocrite?
Le projet de loi donne le vertige tant il semble déphasé par rapport à l’objectif annoncé de lutte contre le séparatisme islamiste. Pourquoi l’État a-t-il décidé de priver toutes les familles d’une partie essentielle de leurs libertés éducatives alors qu’il s’agit, semble-t-il, d’accroître ses contrôles sur une minorité bien précise ?
Si la loi passe, ce sera au prix d’une inflation certaine des dérogations à cette interdiction que chercheront à obtenir les parents des enfants handicapés, ou sortant de maladies, ou pratiquant un sport ou de la musique à haut niveau, des enfants dyslexiques, dyspraxiques ou victimes d’une trouble de l’apprentissage, des enfants à haut potentiel, des hyperactifs, des enfants de gens du voyage, ceux des intermittents du spectacle ou des professions itinérantes, des enfants victimes de harcèlement ou de phobie scolaire etc… Ce qui alimentera le processus de victimisation qu’on déplore par ailleurs. Et pour ceux qui n’auront pas su faire reconnaître leur cas particulier, la tentation sera grande de trouver un médecin compréhensif qui établira un certificat médical de complaisance, à l’instar de ceux qui fournissent des certificats d’allergie au chlore aux jeunes filles musulmanes ne souhaitant pas aller à la piscine. Notre République y aura-t-elle gagné quelque chose, hormis une débauche de démarches administratives et une explosion de l’hypocrisie ? Ne s’honorerait-elle pas plus à garantir le droit des citoyens à choisir le type d’instruction qui convient le mieux à chacun de leurs enfants ? Où est donc notre liberté, notre liberté chérie, dans cette affaire ? Face à l’essor de l’école à la maison, le gouvernement impose donc l’école obligatoire. Et face à la montée de l’abstention, sera-ce demain le vote obligatoire ? Le sommet de l’État ne sent-il pas monter la fureur des parents ? Lorsque l’école dysfonctionne, n’est-ce pas de l’assistance à personne à danger que d’en libérer les enfants ?
Certains parents perçoivent ce choix comme une recollectivisation forcée
Car on ne choisit pas l’école à la maison par caprice. C’est souvent la dernière solution. On convaincra très difficilement un parent de rescolariser son enfant s’il est atteint de phobie scolaire, qu’il subit des discriminations ou des violences en classe. Qui gèrera les fugues et les suicides ? Oui, pour la génération Y ou Z, l’école classique ne va plus toujours de soi. Oui, les enfants ont des talents et des aspirations variées et se sentent parfois vraiment mal dans le cadre collectif que constitue l’institution scolaire.
Cette réforme suscite de l’incompréhension, de la fureur et une sourde détermination des parents à protéger leurs parents d’une recollectivisation forcée. Certains se procureront à toute force des certificats médicaux, en se disant avec malaise que ce document suivra leur enfant toute leur vie, comme un fichage de plus. D’autres créeront une école hors contrat, conséquence sans doute peu anticipée par les pouvoirs publics. Après tout, lorsque des familles se rassemblent pour instruire leurs enfants, et en font la déclaration aux autorités publiques compétentes, cela s’appelle une école privée hors contrat. Alors gageons que les prochaines années connaitront un incroyable boom de ces écoles !
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