Après les moyens de transports, les gares, les bars, les restaurants, les salles de cinéma et les aires de jeux pour enfants, la campagne anti-tabac a récemment franchi la dernière frontière qui lui restait à enjamber : la sphère privée.
Le prétexte invoqué? La protection des enfants! Quelle cause est plus sacrée? Qui oserait s’opposer à un objectif aussi noble ? Pour la ministre de la Santé Marisol Touraine, il faut habituer les petits à « vivre dans un environnement sans tabac ». Comprenez : dans un milieu nettoyé de toute cigarette, de près comme de (très) loin. Autrement dit, protéger nos chères têtes blondes non seulement de la fumée mais aussi des mauvais exemples, en leur évitant le spectacle désolant de fumeurs s’adonnant à leur vice. Il ne reste plus qu’à « purger » les trottoirs de nos villes de ces importuns.
Il faut dire que nous ne sommes pas les premiers. De telles interdictions généralisées – car c’est vers cela que l’on tend – existent déjà aux Etats-Unis. À New York, il est non seulement interdit de fumer dans les lieux publics, dans la rue ou dans les parcs, comme dans la majeure partie des états fédéraux, mais les syndics de copropriétés new yorkais peuvent en outre prohiber la fumée dans les appartements.
Mais l’avant-garde de cette lame de fond hygiéniste se situe en Afrique, décidément le continent de l’avenir. Selon l’AFP, la ville de Mekele en Ethiopie ne s’est pas embarrassée. Elle a tout simplement interdit de fumer partout. Les autres villes éthiopiennes ne devraient pas tarder à en faire autant, puisque la loi prohibitive a été votée pour l’ensemble du pays.
Le plus étonnant reste que, dans ce pays de la corne de l’Afrique, la prohibition n’était pas nécessaire. Là-bas, « il est déjà très mal vu de fumer », nous confie Biftu, une Ethiopienne vivant en France, « surtout pour une femme. Et les gens fument de toute façon très peu. » Biftu pense que les raisons de l’interdiction sont surtout religieuses : « Dans la région du Tigré où se situe Mekele, il a toujours été interdit de fumer devant les prêtres, qui sont partout ». La culture religieuse est très forte en Ethiopie, mais tout particulièrement dans le Tigré.
Ceci n’est pas sans nous rappeler Les 500 millions de Begum, l’anti-utopie de Jules Verne où une ville fait du combat sanitaire sa religion. Jules Verne avait déjà tout compris, lui qui a aussi mis en scène, dans Vingt mille lieues sous les mers, ce magnifique dialogue entre le Capitaine Nemo et son « invité » dans le sous-marin, le professeur Pierre Aronnax :
« – Monsieur, je vous remercie d’avoir mis cette bibliothèque à ma disposition. Il y a là des trésors de science, je vais en profiter
– Cette salle n’est pas seulement une bibliothèque, dit le capitane Nemo, c’est aussi un fumoir
– Un fumoir ! M’écriai-je. On fume donc à bord ?
– Sans doute. »
Et quand on pense qu’en France, aujourd’hui, des enfants sont exposés à cette calamité!
*Photo: Pixabay.
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