Daoud Boughezala expliquait le 25 juin dernier dans ces colonnes combien Arnaud Montebourg, chantre de la démondialisation, pouvait se sentir humilié par la signature française au bas d’un communiqué du G20 condamnant tout protectionnisme. C’était juste avant le fameux sommet européen à l’issue duquel une grande partie de la presse a fait croire que Hollande avait gagné la partie contre Angela Merkel. Cette semaine, le ministre du redressement productif est donc intervenu pour défendre la signature du pacte budgétaire, ce qui ne manque pas de sel lorsqu’on a suivi avec attention la campagne de la primaire socialiste et ses positions sur la question européenne. Mon ami Laurent Pinsolle a synthétisé la position montebourgeoise d’un twitt fort bien senti : « Arnaud Montebourg rame pour justifier la ratification du TSCG et joue au VRP bonimenteur pour valoriser les maigres contreparties obtenues ».
A quelques mois d’intervalle, Montebourg a donc dit tout et son contraire. Solidarité gouvernementale oblige, nous rétorquera-t-on pertinemment. Certes ! Mais justement, que diable est il allé faire dans cette galère ? Comment a t-il pu accepter ce portefeuille ministériel au titre ronflant ? N’a-t-il rien vu venir ? On a peine à croire que cette personnalité ait pu être naïve à ce point. Le voilà donc, moins de deux mois après son entrée au gouvernement, ravalé au rang d’Estrosi de la gauche. Le maire de Nice, lui aussi, courait de plans sociaux en plans sociaux, assistant à la désindustrialisation du pays, tout en expliquant que son gouvernement était le premier à mener une politique industrielle digne de ce nom depuis trente ans. Montebourg a davantage de talent rhétorique que son prédécesseur mais il porte le poids d’une primaire réussie où il citait Jacques Sapir à chaque fois qu’il en avait l’occasion, Sapir qui a dressé un réquisitoire implacable lundi dernier dans Marianne2 à propos de ce « sommet européen en trompe-l’oeil ».
Il n’y aura en effet pas de tournant de la rigueur puisqu’il est désormais établi que le tandem Hollande-Ayrault – nanti de Montebourg sur le porte-bagages- a décidé que la rigueur était déjà là. Là encore, on reste dans la continuité par rapport à Nicolas Sarkozy qui refusait le mot rigueur et imposait la RGPP. Signer le traité européen ne laisse aucune autre voie que cette politique-là. Or, le président de la République a fait campagne sur la renégociation de ce texte, d’où la charge -violente mais juste- de Sapir :« François Hollande ne se contente pas de se parjurer, il se ridiculise. » Pourtant, le président a peut-être deux fers au feu. Philippe Cohen nous apprend en effet dans Marianne que la dernière note de Sapir se trouve sur le bureau présidentiel[1. Cohen explique que Nicolas Dupont-Aignan, reçu comme les autres chefs de partis, lui a amené la note en question, le suppliant de la lire, Hollande répondant : « elle est déjà sur mon bureau ».] et que le même économiste est consulté par des membres du cabinet élyséen. Hollande a-t-il pour projet de faire l’inverse de Mitterrand, de tenter la rigueur au début avant de l’abandonner en constatant au bout de quelques mois son inefficacité, bref tenter un 1983 à l’envers ? C’est peut-être l’espoir auquel se raccroche Arnaud Montebourg.
Pour autant, serait-il l’homme de la situation dans le cas d’un tel retournement ? Sa position dans un ministère exposé aux conséquences de l’austérité l’aura rincé, et son manque de continuité, décrédibilisé. Mieux aurait valu ne pas accepter d’entrer au gouvernement. Neuf mois après la surprise qui l’avait mis en position d’arbitre de la primaire socialiste avec 17 % des suffrages, Arnaud Montebourg a sans doute déjà perdu tout son capital politique. C’est ballot !
*Photo: Webstern Socialiste
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