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Instruction, éducation et morale à la Peillon


Instruction, éducation et morale à la Peillon

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En décembre 2007, dans son célèbre discours de Latran, Nicolas Sarkozy s’était autorisé une réflexion pour le moins transgressive qui n’avait pas manqué d’horrifier tant les gardiens d’un certain laïcisme que les partisans du déterminisme républicain. Le président de la République avait alors évoqué l’irremplaçabilité de l’homme d’Eglise dans la transmission du savoir, lui conférant par là un rôle d’auxiliaire fondamental dans le système éducatif et à plus forte raison dans l’inculcation de la morale. Ce faisant, le chef de l’Etat reconnaissait que l’école républicaine ne pouvait s’arroger le monopole de l’éducation.

Sept années ont passé, et, autres temps, autres mœurs, il ne reste aujourd’hui plus rien de ce vœu pieux. Depuis l’accession de François Hollande à la présidence de la République, le gouvernement n’a en effet eu de cesse d’intervenir à tort et à travers sur l’éducation. Et si quelque chose blesse ici, c’est bien la question de la neutralité de l’enseignement dispensé, malgré l’affirmation permanente d’un universalisme des valeurs auquel on peut légitimement ne pas croire.

« Il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » tonnait ainsi, à l’occasion de la rentrée 2013, le ministre de l’Education nationale Vincent Peillon, tandis qu’il annonçait la mise en place de cours de morale laïque destinés à se substituer aux marchands de valeurs et aux valeurs intégristes (sic). Dans son livre Refondons l’école publié en février 2013, le ministre s’était déjà expliqué sur sa conception de l’éducation : « Dans notre tradition républicaine, il appartient à l’école non seulement de produire un individu libre, émancipé de toutes les tutelles – politiques, religieuses, familiales, sociales –  capable de construire ses choix par lui-même, autonome, épanoui et heureux, mais aussi d’éduquer le citoyen éclairé d’une République démocratique, juste et fraternelle ». Plus loin, il précisait encore, « L’école républicaine n’a jamais prétendu être neutre entre toutes les valeurs […] Elle n’a jamais signifié ni la neutralité philosophique ni la neutralité politique ».

Or, lorsqu’il analysait l’essence du socialisme, Vincent Peillon notait très justement qu’il lui manquait une religion et que son accomplissement ne se trouverait que dans l’incarnation d’un nouveau culte, d’une nouvelle morale, d’une nouvelle religion. Cette main basse catégorique sur l’éducation et sur l’école – que le philosophe définit comme un moyen de transsubstantiation, comme une nouvelle Eglise avec son clergé et sa liturgie – s’inscrit-elle dans ce projet de complétude du socialisme ? Et comment dès lors ne pas voir ici une volonté délibérée de formater le citoyen au catéchisme partisan d’une certaine idée de la société ?

Car cette nouvelle conception de l’éducation s’est promis de graver dans le livre républicain des idéologies qui n’appartiennent résolument pas à l’universalisme et qui devront pourtant être considérées comme universelles. Celui qui n’y adhérera pas sera considéré comme en dehors du pacte républicain, hors de ce pacte, point de salut. Si l’on traduit les dires du ministre, il faudra célébrer la théorie du genre, sourire au féminisme, s’exalter devant la diversité, s’émouvoir devant l’homoparentalité, s’indigner devant le fait religieux. Et c’est ainsi que les moutons seront bien gardés. En somme, il faudra penser comme Peillon.

L’équilibre subtil que doit trouver l’école, entre éducation et instruction, n’est pas nouveau. En 1791 déjà, il opposait Rabaut Saint-Etienne ou Le Peletier de Saint-Fargeau, partisans de l’éducation nationale, à un Condorcet défenseur de l’instruction publique. Le philosophe des lumières contestait « l’enthousiasme » de ses adversaires comme procédé pédagogique, lesquels considéraient l’éducation comme « le spectacle imposant et doux de la société rassemblée » tandis qu’ils résumaient dans le même temps l’instruction à un enfermement dans des murs. Il importait pour Condorcet qu’aucun sentiment ne guide la morale nécessairement dispensée par l’éducation. En un mot, que la puissance publique n’usurpe pas les droits de la conscience, sous prétexte de l’éclairer ou de la conduire.

Vincent Peillon l’a dit lui-même, il entend changer les mœurs et les convictions pour une révolution des consciences qu’il juge nécessaire pour compromettre le peuple français avec son idée du socialisme. Vivant, Bertolt Brecht n’aurait pas manqué de lui demander : « Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? »

*Photo: REVELLI-BEAUMONT/SIPA. 00670385_000031.



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