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Insipides dating


Jour 23. Cuisine & Confidences, notre repaire près de l’Opéra : Dovra est déjà en rendez-vous. Comme convenu, je m’installe à côté, « pour une leçon ». La fille lui demande la dernière chose comique qu’on lui ait dite. « Je t’aime ! »

Jour 24
Beaucoup de Madame Bovary inscrites, pas mal de lolitas (lil95 : « En fait, j’ai 16 ans… »), et quelques Lady Chatterley en quête d’une jeunesse vigoureuse. Et, bien sûr, par paquets, des Bridget Jones… Madame Bovary, Lolita – et l’impression parfois d’être à la Fnac.

Jour 25
Trois rendez-vous à la chaîne, entre 17 heures et 21 heures, chez Barlotti. Insipides datings.

Jour 26
Dovra, professoral : « Les filles s’inscrivent majoritairement l’été – bronzée pour rien, copines enamourées – et pendant les fêtes (Noël : « Toujours pas mariée ? » ; Nouvel An : « La santé… et l’amour, hein ! »). Relis Durkheim : on s’inscrit sur Meetic aux mêmes périodes qu’on se suicide[5. Le suicide, Emile Durkheim (1897, P.U.F., 2004).] ! »

Jour 27
Le « flash » en franco-Meetic signifie : je te kiffe. En moyenne, une superbe en reçoit sept pour dix visites ; une agréable environ 30 % ; en dessous de 10 %, la nana est mal. Pour les mâles, 30 % c’est exceptionnel, et 10 % une moyenne honorable. A son dernier jour, Dovra croisait à 65 %. Son truc : flasher massivement les vieilles et les moches. Qui, trop heureuses, le lui rendent. Du coup, quand les « proies de choix » le visitent, de mignon, il devient canon : le succès appelle le succès. Leur ton change. Le rapport de forces aussi. C’est frais, l’amour.

Jour 28
Après les mythomanes, qui s’inventent une identité et finissent par la revêtir comme une seconde peau, voilà à présent Only_U_75, qui surveille si tu chattes avec d’autres, te drague sévère sous une fausse identité, puis se démasque, vengeresse : « C’est moi ! » Meetic commence comme « mytho » et finit comme « hystérique ». Rien à dire : le service marketing a bien fait son boulot.

Jour 29
Bilan ? Passons sur le « carnage » de Dovra… Pour moi : trente rencontres ; zéro aventure. Trop old school ? Entre autres. Mais aussi systématiquement fautif : les interroger en long et en large sur leur « expérience Meetic »… Alors qu’elles ne rêvent, en dépit d’une compote idéologique à base de « modernité » et de « liberté », que d’oublier qu’elles se sont placées sur un étalage.

Dernier jour
Dernier contact, chez Bon, avec Yohanna_75009, qui me saoule (« Il m’a largué par mail, t’y crois !? »). Son récit achevé (1 h 28…), elle daigne demander mon avis. Courageusement, je me tais. En remontant la colline du Trocadéro, une question me taraude : quitte-t-on Meetic désabusé et misogyne ? L’interrogation est légitime. Elle mérite une réponse argumentée, pondérée, tempérée. La mienne sera donc claire et nette : no comment.



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David Martin-Castelnau est grand reporter, auteur des "Francophobes" (Fayard, 2002).

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