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Vers une société d’ennemis

Des influenceurs sous influence…


Vers une société d’ennemis
Capture BFMTV.

Les arrestations récentes d’influenceurs algériens, à Brest, Échirolles et Montpellier, qui appellaient à commettre attentats et meurtres en France, sont inquiétantes. Mais elles étaient prévisibles. Les sinistres individus allient dans leurs messages rageurs un nationalisme algérien hystérique à l’islam identitaire. L’identité nationale et l’unité sociale, des sujets négligés pendant des décennies, ne se décrètent pas. La France est-elle en train de l’apprendre à ses dépens ? Analyse.


Deux influenceurs algériens ont récemment été interpellés en France pour des appels à la violence diffusés sur TikTok. Le premier, Youcef A., âgé de 25 ans, a été arrêté le 3 janvier à Brest. Il est accusé d’apologie publique d’un acte de terrorisme après avoir publié des vidéos appelant à commettre des attentats en France et des violences en Algérie. Le second influenceur, connu sous le pseudonyme Imad Tintin et âgé de 31 ans, a été interpellé le même jour à Échirolles, près de Grenoble. Il est accusé de provocation directe à un acte de terrorisme après avoir publié une vidéo appelant à brûler vif, tuer et violer sur le sol français. Ce qui est inquiétant ce n’est pas seulement la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux mais le nombre de « followers » de ces individus, en France-même – et les commentaires qui approuvent leurs propos incendiaires. 

Jeunesse non assimilée et violente

Depuis des décennies, la gauche a encouragé l’idée d’une société harmonieuse et inclusive, mais elle semble avoir ignoré une réalité essentielle : l’unité sociale ne se décrète pas. Elle repose sur une volonté commune, portée par des valeurs et des objectifs partagés. Or, une partie des jeunes issus de l’immigration maghrébine et subsaharienne rejette cette unité, exprimant ce refus par des comportements qui fracturent le tissu social. Cette opposition se traduit par des formes variées de violences : agressions gratuites, vols, trafics, braquages, agressions sexuelles et, dans les cas les plus extrêmes, actes terroristes.

Pendant trop longtemps, ces faits ont été minimisés, interprétés comme des manifestations isoléees ou justifiées par les conditions de vie difficiles dans des quartiers marginalisés. La gauche, notamment, a attribué ces comportements aux inégalités économiques et sociales. Mais cette lecture socio-économique, bien que partiellement fondée, ne suffit pas à expliquer l’ampleur du phénomène. Ces jeunes se retrouvent souvent dans une posture de défiance quasi systématique envers les institutions, qu’il s’agisse de la police, de l’école, des services publics ou même des voisins issus du groupe majoritaire.

Cinquième colonne idéologique

On peut décrire cette situation comme une préparation lente mais méthodique à des révoltes à venir, que pourraient instrumentaliser des courants islamistes. Ceux-ci exploitent les fractures sociales pour faire avancer leur idéologie, tout en attendant un contexte politique qui leur serait favorable. Pourtant, les mécanismes à l’origine de ces comportements dépassent largement la sphère religieuse.

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L’islam, dans le contexte européen actuel, sert de catalyseur idéologique à ces tensions. Il offre une grille de lecture et une justification pour rejeter le modèle culturel occidental. Mais ce rejet s’inscrit dans un cadre plus large : celui de l’émergence de communautés séparées, où les caïds locaux et les prêcheurs radicaux imposent des modes de vie en rupture avec les normes occidentales.

Le défi des différences culturelles

Au cœur de cette fracture se trouve une question fondamentale : comment des groupes issus de civilisations aux valeurs profondément divergentes peuvent-ils coexister au sein d’un même espace ? L’histoire montre qu’une coexistence pacifique nécessite des concessions. Une civilisation doit accepter de renoncer à certaines de ses pratiques ou valeurs pour s’intégrer dans un ensemble commun. Ce processus, souvent appelé « assimilation », est aujourd’hui rejeté par certains comme une forme de domination culturelle. Mais refuser cette intégration revient à entretenir des sociétés parallèles, sources de tensions perpétuelles.

Les modèles de société occidentaux reposent sur des principes spécifiques : la primauté de l’individu sur le groupe, l’égalité des sexes, la liberté d’expression, et la séparation entre le religieux et le politique. Ces principes entrent parfois en conflit avec des systèmes culturels qui privilégient la communauté, la hiérarchie entre les sexes, ou l’autorité religieuse. Ces divergences profondes ne sont pas uniquement théoriques : elles se manifestent dans des comportements du quotidien qui alimentent le rejet mutuel.

Vers une unité culturelle ?

La diversité n’est pas en elle-même un obstacle. Une société peut accueillir une pluralité d’expressions culturelles, à condition que celles-ci respectent un cadre commun et ne cherchent pas à s’imposer par la force ou le rejet des autres. En revanche, la violence, qu’elle soit physique ou symbolique, devient rapidement un facteur de rupture.

Il est également essentiel de se demander si la coexistence entre civilisations est possible sans une forme de domination culturelle. Historiquement, les sociétés multiculturelles les plus stables ont été celles où une culture dominante établissait les règles communes. Cela peut être perçu comme une forme de violence symbolique, mais si cette domination est vécue positivement – comme un vecteur d’émancipation individuelle et collective –, elle peut garantir une coexistence plus pacifique.

Ce défi culturel est sans doute l’un des plus grands auxquels l’Europe est confrontée aujourd’hui. L’objectif ne peut être de nier les différences ou d’ignorer les tensions, mais de proposer un modèle clair où chaque individu, quelle que soit son origine, peut trouver sa place dans une société unie par des valeurs communes. Si cela s’avérait impossible, une société déjà divisée deviendrait une société d’ennemis. 


Elisabeth Lévy sur Sud Radio : il faut arrêter les balivernes sur le vivre-ensemble !




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Essayiste et fondateur d'une approche et d'une école de psychologie politique clinique, " la Thérapie sociale", exercée en France et dans de nombreux pays en prévention ou en réconciliation de violences individuelles et collectives.

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