Deux ans après leur parution, l’Institut national d’études démographiques peine à prouver la fiabilité de ses travaux censés montrer que Nicolas est le deuxième prénom le plus fréquemment porté par les petits-fils d’immigrés du Maghreb. L’INED envisage pourtant de poursuivre devant la justice les chercheurs qui démontrent le contraire.
Le 10 avril 2019, l’Institut national d’études démographiques (INED) publiait dans Population & Sociétés un « quatre pages » signé par Baptiste Coulmont et Patrick Simon [1] sur les prénoms des descendants d’immigrés. L’étude, menée à partir de l’enquête « Trajectoires et origines » de 2008 (TeO), concluait que les prénoms portés par les petits-enfants d’immigrés du Maghreb étaient « proches de ceux que la population majoritaire donne à ses enfants » et que « Nicolas » était le deuxième prénom le plus fréquemment porté par les petits-fils d’immigrés du Maghreb. Ces résultats ont été largement – et triomphalement – diffusés dans la presse. Le 23 août 2021, Jean-François Mignot – lui aussi sociologue et démographe, comme les deux auteurs cités plus haut – mettait en ligne un « essai de reproduction » de l’étude contestant ces résultats. Essai, car Baptiste Coulmont et Patrick Simon, et plus généralement l’INED, ont montré beaucoup de mauvaise volonté à expliquer ce qu’ils avaient réellement fait [2]. D’ailleurs, on l’ignore toujours.
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L’INED ne peut pas avoir tort
La contre-offensive de l’INED s’articule en trois temps : le 26 août 2021, les auteurs répondent à Jean-François Mignot [3] ; le 27 août, le comité de rédaction s’aligne sur leur position à quelques nuances près [4] ; le 15 septembre, L’INED publie un communiqué de presse visant à rassurer les médias sur la qualité de ses publications, tout en reprenant et en complétant l’argumentation des réponses précédentes[5]. Cette publication intervient le lendemain de la parution, dans Marianne, d’un article sur la polémique : « “Karim” ou “Nicolas”, comment s’appellent (vraiment) les petits-enfants d’immigrés maghrébins ? » Cette réactivité de l’INED révèle l’inquiétude de l’institution pour sa réputation. Il s’agit donc de convaincre les médias de ne pas accorder trop de crédit à ce qui est présenté comme des « faits alternatifs ».
On ne voit pas bien pourquoi des chrétiens donneraient des prénoms arabo-musulmans à leurs enfants au seul motif que leurs parents sont nés au Maghreb
Dans les réponses de l’INED, on apprend que les auteurs de l’article problématique de Population & Sociétés ont décidé d’appliquer d’autres règles que celles qu’ils ont, par ailleurs, utilisées et recommandées pour classer les origines des personnes nées en France d’au moins un parent immigré. Quand deux parents étaient des immigrés nés dans deux pays différents, l’équipe TeO a choisi celui du père. C’est cette règle qui est appliquée systématiquement par l’Insee et qui a été retenue
