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Indochine : la guerre des boutons, version trash


Indochine : la guerre des boutons, version trash

clip indochine crucifixionAprès l’échec de « Memoria », premier single extrait de son nouvel album Black City Parade, Indochine devait frapper très fort pour se rappeler à la mémoire collective. À une époque où les foules sont éduquées pour admettre sans ciller que tout se vaut, il est urgent, à défaut de produire de la qualité, de créer du concept, de l’évènementiel, par tous les moyens. Peu importe donc la chanson choisie en deuxième single – « College Boy » -, le tout est de la vendre à l’explosif.
Réalisée par Xavier Dolan, visiblement un peu trop influencé par Luc Besson, la vidéo de « College Boy » a rempli son cahier des charges : enflammer la médiasphère. Sexe, violence et vulgarité sont les trois mamelles du buzz. Dolan a choisi la violence à l’école : « College Boy » montre – scènes gores à l’appui – le calvaire crescendo d’un ado harcelé par ses camarades, jusqu’à sa crucifixion au milieu de la cour de récréation, devant le regard incrédule des adultes.
On imagine sans peine le débriefing des cadres de la maison de disques autour d’un brunch bio végétalien : « C’est bon coco, tout le monde va en parler, même Causeur, on va vendre 20 000 exemplaires de l’album le lendemain de la diffusion sur Internet ». Afin de maintenir la tension autour de son travail pendant la deuxième semaine d’exploitation de « College Boy », le réalisateur monte au créneau en pleine célébration de la première année du changement de l’ère Hollande et reproche au CSA d’avoir « 35 ans de retard »  parce qu’on veut interdire le clip aux moins de 16 ans. Ce monsieur oublie que toute la population n’a pas pour étalon culturel le cinéma de Tarantino.
On voudrait nous faire croire ici à une courageuse dénonciation de la violence scolaire, et le calvaire du collégien supplicié se déroule comme par hasard dans un établissement catholique. C’est bien connu, les violences scolaires les plus retentissantes de notre époque se signalent dans les écoles privées…
Mais le vrai sujet de la vidéo, à notre avis, dépasse la question des nouveaux jeux dangereux à l’école et fait l’objet d’un contresens monumental. Toute la classe médiatique est tombée dans le panneau de cette pseudo-campagne de sensibilisation artistico-marketing (le noir et blanc, rien de tel pour vous garantir le sérieux du sujet et la noblesse des images) sans voir, d’abord, la charge autobiographique de l’objet.
En effet, « College Boy » dessine à s’y méprendre le contour d’un destin hors normes, celui de Nicola Sirkis, un des fondateurs d’Indochine. Il y a d’abord la ressemblance physique du chanteur avec le personnage du clip et cette mèche coiffée à droite qui accentue l’effet miroir. Le cadre suffocant de la vie scolaire – brimades, harcèlement – correspond à ce qu’a vécu le collégien Sirkis dans un établissement géré par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Il dira plus tard que les deux années passées dans cet internat auront été les pires de sa vie. Lorsque l’adolescent du clip dresse un « fuck » vengeur face à la caméra, là encore, c’est signé. Et cet élément symbolique, la croix, directement importée du Golgotha (aujourd’hui, grâce à Internet, tout le monde fait des miracles), évoque immanquablement celle de Paradize, l’album de la renaissance d’Indochine et de sa sanctification. Le martyr souffle ce mot inattendu dans le dernier plan : « Merci », comme pour signifier que sa différence l’a amené là, au sommet, après avoir essuyé le feu des critiques – incarnés par les flics dans le clip – et de ses confrères du rock français.
En 2003, en plein sacre de Paradize, la couverture de Rolling Stone mettait en scène un Nicola Sirkis sérieusement abîmé, arborant une main bandée, prêt à en découdre comme le garçon figurant sur la pochette de « College Boy ». Le titre de l’article : « Coups et blessures »…

Et la chanson dans tout ça ? Du Indochine en culotte courte, à la recherche de son ombre jaunie.

*Photo: clip Indochine « College boy »

 



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est l'auteur de nombreux ouvrages biographiques, dont Jean-Louis Murat : Coups de tête (Ed. Carpentier, 2015). Ancien collaborateur de Rolling Stone, il a contribué à la rédaction du Nouveau Dictionnaire du Rock (Robert Laffont, 2014) et vient de publier Jean-Louis Murat : coups de tête (Carpentier, 2015).

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