Figure du panafricanisme influente, il entretient la haine de la France, fomente des tensions et est soutenu par des régimes hostiles. Il se présente aux élections au Bénin…
Se plonger dans le parcours idéologique de Kémi Séba revient à revenir sur des décennies d’activisme politique afro-américain. Né à Strasbourg de parents d’origine béninoise ayant été naturalisés Français, Stellio Chichi a commencé son parcours en adhérant au mouvement suprémaciste noir Nation Of Islam, que les amateurs de films de prison auront reconnu comme étant un des gangs les plus célèbres du système carcéral étatsunien. Prônant la ségrégation entre les noirs et les autres ethnies des Etats-Unis, Nation Of Islam a été fondé par Elijah Muhammad. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Kémi Séba n’a pas pris son pseudonyme après son adhésion à Nation Of Islam mais au tournant des années 2000, moment où il rejoint l’idéologie religieuse du kémitisme, mouvement néo-païen panafricaniste opposé aux religions abrahamiques vues comme étant des outils coloniaux de domination des populations noires africaines.
Voilà pour le contexte dans lequel évolue Kémi Séba depuis un peu plus de deux décennies désormais. En dépit de quelques turbulences, il est resté globalement fidèle à son corpus panafricaniste et à ses croyances. Pourtant, plutôt que de se marginaliser progressivement, l’homme a su avec habileté faire croitre son audience initiale et devenir une voix écoutée en Afrique, singulièrement dans le Bénin de ses racines où il envisage même de se faire prochainement élire président de la République.
La haine de la France comme fonds de commerce
Kémi Séba aime souvent à rappeler en conférence le conseil qu’il avait reçu de sa mère lorsqu’il était encore un enfant : « Ne deviens Français que sur le papier ! ». Il est allé au bout de sa logique en brûlant publiquement son passeport français lors d’une conférence de presse tenue depuis Fleury-Mérogis puis en s’improvisant conseiller du général putschiste nigérien Abdourahamane Tiani. De quoi bénéficier d’un passeport diplomatique délivré au mois d’août 2024 qui lui a permis d’annuler une partie des effets de sa déchéance bien méritée de la nationalité française…
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Car, on trouve la trace de Kémi Séba dans toutes les humiliations que la France a subie au Sahel. Participant activement à la dégradation de l’image de notre pays dans la région, alors que nous l’avons militairement sauvée pendant dix ans, Kémi Séba s’est allié à tous nos ennemis. Régulièrement reçu comme hôte de marque par les autorités russes ou encore iraniennes, Kémi Séba intervient partout où il s’agit d’affaiblir l’influence et l’intérêt français. Dès 2017, il était accueilli à Moscou par Alexandre Douguine. Plus tard, en 2019, il bénéficiait de l’appui financier du tristement célèbre Evgueni Prigojine, alors vivant et administrateur de Wagner, en échange selon son propre aveu d’opérations antifrançaises visant à « appeler la jeunesse africaine à mener des actions violentes contre les intérêts français en Afrique ». Il a pour cela reçu plus de 400 000 dollars entre 2018 et 2019. Notons aussi qu’il a participé au forum économique Turquie-Afrique comme à la conférence internationale « La politique française du néocolonialisme » à Bakou en Azerbaïdjan, pays dont on retrouve la trace dans de nombreuses manifestations contre l’Etat en Nouvelle-Calédonie ou encore en Martinique.
Son influence délétère est forte en Afrique, comme nous l’avons dit, mais aussi malheureusement en France. Déjà en métropole en excitant les afro-descendants et diasporas, notamment envers les Sénégalais après avoir officié dix ans dans l’émission Le Grand Rendez-Vous de la chaîne 2STV, mais aussi dans les outre-mers. En Guyane, Kémi Séba a notamment été reçu par l’activiste Elie Domota.
La présence de Kémi Séba en Martinique a été trop peu dénoncée
En 2018, Kémi Séba participait à l’envahissement du supermarché Génapi de la commune de Ducos en Martinique. Aux cris de « Yo armé nou pa armé », lui et ses militants s’étaient emparés de sachets de « sucre rouge sang », symbole de la souffrance des ancêtres, « parce que nos parents ont travaillé dans ces plantations ». Dans un article pour le site Madinin’Art, le chroniqueur martiniquais Yes-Léopold Monthieux est d’ailleurs récemment revenu sur la genèse et les liens qui unissent les « kémites » aux mouvements indépendantistes martiniquais comme le RRPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéennes) de Rodrigue Petitot :
« (J’ai) écrit le 29 décembre 2021 dans « La main invisible du désordre » : « en effet, tous les évènements intervenus depuis le premier bris de statue et même de l’équipée du centre commercial Génipa sous la houlette de Kémi Séba, ont comme fil conducteur la défiance de l’Etat et la volonté de lui porter atteinte dans le cadre de la lutte anticoloniale. La philosophie est connue, la méthode éprouvée : les militants d’idéologies diverses peuvent s’engouffrer dans le tunnel ainsi défini ».
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J’ignorais que la « main invisible » pouvait provenir de Russie et de son proxy l’Azerbaïdjan… Des élus martiniquais ont entrepris de rendre cette main de plus en plus visible, et de décomplexer la revendication indépendantiste. Des vidéos montrant des militants du RRPRAC arborant des pendentifs kémites permettent aussi de mesurer l’entrisme du mouvement dans ce mouvement ultramarin sous faux nez, ainsi d’Aude Goussard qui fut candidate pour la 4ème circonscription des dernières élections législatives de Martinique.
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Gwladys Roger, l’une des meneuses du RRPRAC, s’est aussi prise en photo avec ce pendentif au motif égyptien emblématique des sectateurs kémites.
Enfin, Kémi Séba et Rodrigue Petitot partagent un autre point commun. Ils ont tous deux pour avocat Juan Branco, en visite en Martinique au début du mois de janvier pour « dénoncer la vie chère ». Ne serait-ce pas plutôt pour provoquer une insurrection contre l’État qu’il appelle de ses vœux et aurait l’avantage de plaire à de nombreux État étrangers hostiles ?
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