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Inculquer

La chronique de Dominique Labarrière


Inculquer
© ISA HARSIN/SIPA

Telle Jeanne d’Arc s’armant pour bouter l’Anglois hors du royaume de France, M. le ministre de l’Éducation nationale se dresse, oriflamme au vent et glaive au clair, contre le harcèlement à l’école…


On ne peut que l’en féliciter et lui souhaiter plein succès pour cette croisade aussi nécessaire qu’urgente.

Il semblerait que la stratégie choisie s’inspirerait de ce qui se pratique dans certains pays nordiques, quelque chose comme des cours d’empathie (sic). Cela consisterait notamment, si on a bien compris, en des séquences de jeux de rôles où, par exemple, l’élève serait invité à tracer de la main un dessin dans le dos d’un condisciple, non sans avoir demandé et obtenu au préalable l’accord de ce dernier. Là, encore on se réjouit. Apprendre le plus tôt possible que « non c’est non » et que l’assentiment est la condition sine qua non de toute approche physique, amoureuse, sexuelle est une excellente chose. De nouveau, soyons résolument optimistes et formons des vœux de grand succès.

Candide ludique

Soit. On aura compris que, môme toujours, il s’agit de faire dans le ludique – le sacro-saint ludique ! – et d’épargner au maximum à l’élève tout effort, toute contrainte.

Dans un récent propos, le ministre a tenu à souligner que pour ces sujets et quelques autres aussi les chers petits seraient également incités à débattre. Comme des grands, quoi.

A lire aussi, Denis Hatchondo: Diversion: après le Covid et l’Ukraine, le harcèlement!

Justement, la question – que notre monde adulte s’abstient de poser par manque évident de courage – n’est-elle pas de savoir si l’école – en primaire, voire au collège – est un lieu où l’on débat ou un lieu où l’on acquiert les outils, les méthodes, le bagage qui permettront justement au sujet, le moment venu, d’analyser et de délibérer avec pertinence et rigueur ? Autre mollesse, selon moi, du monde adulte : se réfugier derrière le concept émotionnel d’empathie pour ne pas avoir à affirmer l’impérieuse nécessité de lui préférer tout simplement la valeur « respect ».

Le respect comme absolu, s’entend. Le respect en tant qu’a priori intangible. L’élément mental sous l’angle duquel tout être, tout élément, toute chose enfin, doit être appréhendée. Le respect comme préalable obligé, voilà. La déclinaison – respect de ceci, de cela, etc, etc. – découlant ipso facto de ce mantra fermement enraciné que serait, répétons-le ce respect accordé, octroyé d’emblée. Quitte évidemment à le reprendre et à sanctionner sans trembler si cette belle marque de confiance venait à être trahie.

Ce serait donc bien ce préalable, cet a priori, cet absolu qu’il s’agirait d’inculquer aux enfants des écoles… Inculquer : l’étymologie du mot dit très clairement la méthode préconisée. Sa racine latine n’est autre que calx, calcis, soit « talon ». Le verbe signifie donc initialement « fouler, presser » aux pieds, à coups de talon. On voit combien, au moins dans l’esprit, on est loin du candide recours au seul ludique.

Autres temps…

Les pères fondateurs de la Laïque, l’école de la République, pas plus que les pères continuateurs de l’école chrétienne, ne s’y trompaient lorsque, à longueur d’écrits, de programme, de déclarations et de prêches, ils affirmaient, consensuels en l’occurrence, que leur grande et fabuleuse mission était « d’inculquer » (sic) aux jeunes générations les connaissances et valeurs qui étaient les leurs. Inculquer, c’était leur mot, leur référence.

Or, il est bien évident que les uns et les autres n’avaient pas encore perdu leur latin au point d’ignorer le sens originel de ce verbe. Ils savaient pertinemment ce qu’ils disaient là et ils ne rechignaient pas le moins du monde à annoncer tout aussi crânement la couleur de la méthode pédagogique mise en œuvre… Mais on m’objectera que les temps ont bien changé. Je sais. « O tempora, o mores », ronchonnerait sans doute ce cher vieux Cicéron.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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