La France ne s’avine plus avec autant d’entrain qu’autrefois, déplore notre chroniqueur. Une affaire culturelle, sociologique?
Voilà quelques jours, le week-end dernier, une jeune Française se hissait à la quatrième place du championnat du monde des sommeliers. Ce n’est pas peu de chose. Voilà un talent qui fait honneur à notre vieux fonds culturel et patrimonial. Le vin et le pain, le pain et le vin, notre identité profonde en deux mots, en deux merveilles toutes simples.
Il n’empêche, depuis une dizaine d’années, la consommation de vin baisse en France. Au pays de Rabelais et de la Dive Bouteille, voilà qui fait un brin désordre. Parallèlement, le recours au chichon ne cesse de progresser. Au point qu’on en arrive à se demander si nos vignerons bordelais, contraints d’arracher certaines de leurs vignes – autrement dit de se couper un bras – ne devraient pas se reconvertir dans la culture du hachich, ingrédient de base du chichon dont il est question ici et qu’on veillera à ne pas confondre avec son homonyme du Sud-Ouest, savoureux d’ailleurs, mais incompatible avec le précédent puisque la viande de porc entre pour une part importante dans sa composition (Et, pour tout dire, le pinard pour une part non moins essentielle dans son accompagnement).
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Bref, la France ne s’avine plus avec autant d’entrain que voilà quelques années encore. L’excédent menace. Les cuves sont pleines et la jeunesse – la jeunesse surtout, nous disent les enquêtes les plus fiables – bouderait le tonneau, se tiendrait résolument à l’écart du litron. O tempora O mores, comme il est dit aussi dans Astérix. Serait-ce donc au profit du chichon, en faveur de cette griserie d’importation que s’opère ce déclin ? L’affaire serait culturelle, sociologique. Nous serions confrontés à une sorte de grand remplacement pour les rites en vigueur dans les assommoirs du samedi soir après le turbin. Demeurons vigilants ! Aujourd’hui le vin – blanc, rouge ou rosé, sans distinction de couleur, ce qui doit être regardé comme exemplaire – serait menacé, chassé, répudié. In Vino Satanas ! Voilà l’anathème des temps nouveaux. Aujourd’hui le vin, donc. Et demain ? Le chichon, assurément. Je veux dire celui du Sud-Ouest, avec des morceaux de cochon dedans. On se le procurerait désormais sous le manteau et notre sommelière émérite en serait réduite à officier quelque part dans le maquis sous un nom de code.
On notera que cette guerre culturelle n’en est pas à ces premiers assauts. Le général US Coca Cola nous la mène depuis maintenant belle lurette. Cependant, nous avons à faire face à présent à une stratégie qui relève davantage de la guérilla. La menace n’en est pas moins rude. Aussi, ne serait-il pas temps de songer à entrer en résistance ? Devant un tel péril, ne doit-on pas reprendre à notre compte ce que clamait bien fort l’aviné et regretté Coluche, et brailler avec lui : Le pinard, ça devrait être obligatoire !
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