Laure Adler et François Piquemal face à Estelle Youssouffa: la gauche contre le réel.
À l’instar de leur président Azali Assoumani, les dirigeants des Comores multiplient les provocations contre la France à la tribune de l’ONU. La première opération Wuambushu menée au printemps dernier a échoué et la submersion migratoire se poursuit à Mayotte. Elle met en péril la cohésion sociale d’une île devenue un immense bidonville.
Le droit du sol, quoi qu’il en coûte ?
Les bus sont caillassés, les hôpitaux pris d’assaut par des clandestins qui menacent les soignants ; des bandes de « jeunes » armés de machettes détroussent les autochtones. Pas un commerce n’échappe au pillage et alors que les maisons individuelles se couvrent de barbelés, la population organise désormais elle-même sa protection. Aussi, le 11 février, le ministre de l’Intérieur s’est résolu à se rendre sur l’île pour « apporter des réponses ». Gérald Darmanin a annoncé l’opération Wuambushu 2 qui comprendra l’installation d’un rideau de fer maritime, le déploiement de 15 gendarmes du GIGN et la mise en place d’un escadron « Guépard » destiné à réduire la violence. Ce qu’on a retenu, surtout, c’est qu’il a déclaré, vouloir procéder à une « révision constitutionnelle » concernant le droit du sol à Mayotte pour supprimer son automaticité. Cette idée, récemment évoquée lors du projet loi immigration, n’a pas manqué de relancer le débat entre une droite favorable à la suppression dudit droit et une gauche que cette perspective inquiète. Pour l’idéologie de gauche, tout est ouvert : pas de filtre, pas de frontières, pas de « discrimination. » Qu’importent les conséquences pourvu qu’on ait bonne conscience.
C’est dans ces circonstances qu’Estelle Youssouffa, députée de la première circonscription de Mayotte et apparentée à l’Assemblée nationale au groupe centriste Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT) est intervenue sur deux plateaux de télévision, mardi 13 février. La Mahoraise, digne et posée, ne mâche pas ses mots. Elle réclame « l’expulsion des migrants en situation irrégulière », la prise de « décisions radicales » contre la pression migratoire, dénonce « la colonisation de son île » et demande « l’abolition du droit du sol ». La gauche enrage face à cette position résolument identitaire, hélas, la députée est « racisée », il est par conséquent difficile de « l’extrême-droitiser ». Sur LCP, d’abord, on a vu le député insoumis François Piquemal se faire recadrer magistralement par Estelle Youssouffa. Pour rendre les migrants moins violents, il conviendrait, non pas de supprimer le droit du sol à Mayotte, mais d’augmenter l’aide versée aux Comores, a tenté d’expliquer cet apôtre du vivre-ensemble ; le voilà aussitôt mouché : « Je vous ai laissé débiter des âneries et je n’ai rien dit. Donc, vous allez supporter d’entendre des faits vérifiés. » Après ce préambule efficace, elle a développé : « Vous êtes en train de nous expliquer que le sujet, c’est la pauvreté. La pauvreté ne justifie pas la violence. Mayotte est depuis toujours extrêmement pauvre, mais on ne découpe pas les gens en morceaux. Vous comprenez ? À aucun moment, la pauvreté ne justifie la violence que subit Mayotte. »
Laure Adler, hors sol
Ensuite, dans C ce soir, on a réfléchi sur les « dangers de la remise en cause du droit du sol à Mayotte ». Estelle Youssouffa, toujours, et cette fois face à Laure Adler, nous a offert un second moment d’épiphanie. La journaliste, icône de la télévision d’État dont la bien-pensance est devenue le fonds de commerce, lévite aussi en altitude par-dessus les contingences bassement matérielles et les destinées des gueux ; voler au-dessus de la mêlée lui permet assurément de poser les bonnes questions. Aussi, l’a-t-on vue s’interroger gravement : le problème mahorais, n’était-il pas, somme toute, celui d’une jeunesse « sans avenir » qu’il convenait « d’accompagner » ? D’un air pénétré, lentement et d’un ton monocorde, Madame Verdurin a pris la parole : elle ne connaissait pas Mayotte, mais, c’était tout comme ; elle avait lu : « Je ne connais pas votre île, mais j’ai lu un livre, il y a quelques années, qui a d’ailleurs obtenu un grand succès en France, de Nathacha Appanah, qui s’intitule Tropique de la violence. » Et la femme savante de préciser, affichant « cette attitude de résignation aux souffrances toujours prochaines infligées par le Beau » que Proust lui prête dans La Recherche : « ce livre met en scène de façon magistrale toute cette jeunesse, dans cette île, cette jeunesse en proie au manque d’avenir, en proie au manque de moyen, en proie au manque d’éducation. » Et vint, incantatoire, le questionnement, douloureux, nécessaire : « Et je voulais savoir si, aujourd’hui, ce n’était pas ce problème-là qui était le plus important, (…) ne pas distinguer (…), dans cette jeunesse désorientée que met en scène magistralement Natacha Appana et qui a donné un film qui s’intitule aussi Tropique de la violence de Manuel Schapira. Est-ce que cette jeunesse sans avenir, ce n’est pas ça, le sujet le plus important ? (…) Est-ce que le vrai problème c’est d’être Mahorais ou d’être Comorien ? Quel est le statut de cette jeunesse et comment peut-on remédier à cette absence d’espoir ? »
La réponse d’Estelle Youssouffa au prêche sirupeux est terrible : « Le livre comme le film font l’objet d’un immense rejet à Mayotte. » Elle précise : « C’est quand même assez symptomatique que ce livre, qui est présenté pour expliquer ce qu’est la réalité (…) n’a aucun personnage local, indigène. » « Nous, Mahoraises et Mahorais, sommes invisibilisés dans notre propre histoire, dans notre propre territoire. » Elle balance ensuite le vitriol du réel dans la guimauve des bons sentiments : « Ces enfants ne sont pas les nôtres. Nos enfants à nous n’ont pas accès à nos écoles. Nos écoles n’ont pas de cantine. On n’a pas d’eau. » « On ne peut pas faire une politique publique quand on ne connaît pas sa population, qu’on ne peut pas se compter. » Et à la fin de l’envoi, elle touche : « La générosité n’a pas de prix, mais elle a un coût. »
Dès 1998, Philippe Muray, avait déjà tout compris : « Il n’y a plus de différence entre le discours des artistes, celui de l’élite éclairée et ceux de la classe politique (…) la fusion s’est opérée (…), les discriminations ont disparu, tout est noyé dans une même interminable et pitoyable homélie sur la nécessité de la tolérance, l’abjection du racisme (…) »