Vous pensiez qu’avec le projet de loi « immigration » présenté à l’Assemblée, le gouvernement entendait enfin s’attaquer aux problèmes? La nomination discrète de Thierry Tuot offre un méchant démenti. Et un signal à la gauche et aux associations: on durcit les textes pour amuser la galerie et le populo, mais la France restera ouverte à tous les vents. En 2013, dans un rapport, le nouveau président de la section Intérieur du conseil d’État plaidait pour une société inclusive niant l’existence d’une culture française…
En nommant un chantre du multiculturalisme et un pourfendeur de la culture française à la tête de la section Intérieur du conseil d’Etat, le gouvernement Macron envoie un message politique inquiétant. La section Intérieur du conseil d’Etat est celle qui examine les projets, textes de loi et réglementations concernant notamment le droit d’asile, l’immigration et les libertés publiques.
Par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des Sceaux, Thierry Tuot a été nommé le 22 février 2023. Ce nom ne vous dit rien et c’est tout à fait normal, mais l’homme n’est pas un inconnu, il est l’auteur d’un rapport tellement contesté en son temps que le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault avait dû l’enterrer manu militari.
C’est l’Observatoire de l’immigration et de la démographie qui a ressorti les hauts faits d’armes du nouveau président de section. Dès 2013, c’est Malika Sorel qui avait la première tiré la sonnette d’alarme. Ce rapport sur la « refondation des politiques d’intégration » s’était avéré tellement partisan et agressif, notamment contre les concepts d’intégration et d’assimilation, que même le gouvernement socialiste de François Hollande s’était empressé de l’envoyer aux oubliettes. La logorrhée de ce conseiller d’État n’a rien à envier à certains écrits indigénistes. Le mieux est de vous en livrer quelques extraits révélateurs pour vous en convaincre.
Le mépris des concepts d’intégration et d’assimilation
Quand on ouvre le rapport, la citation mise en exergue donne le ton général : il s’agit plus d’un prêche que d’un rapport : « Et plus qu’Eux tous, l’Etranger, Superbe aux yeux profonds, à la démarche, légère, aux lèvres mi-closes, toutes frémissantes de chants. » On se croirait presque au début d’un livre érotique !
La suite va plutôt montrer qu’on est dans un mélange de rhétorique victimaire et militante. « Il reste que l’intégration horripile souvent ceux à qui elle est destinée. Questionner le concept en montre la faiblesse. Si c’est un processus, il a un début – l’entrée sur le territoire. Dans ce cas, les enfants(…) qu’en fait-on ? (…) Qu’il a été commode de les oublier en les noyant dans l’exclusion et les discriminations. » Puisqu’on vous dit que la société française est raciste, pourquoi chercher donc plus loin ? Puis, l’auteur fait semblant de s’interroger sur le concept d’intégration pour le réduire à une forme d’exigence de suprématistes blancs chrétiens. Aucune référence aux valeurs universelles ni au fait qu’il peut y avoir des tensions entre des valeurs incompatibles et des conflits culturels réels (par exemple, entre cultures qui considèrent que les femmes sont inférieures aux hommes et la nôtre, fondée sur l’égalité à raison du partage de la même dignité humaine). Il en arrive même à expliquer que notre société n’ayant aucune identité ni aucun sens, on ne peut savoir comment s’y intégrer. « Enfin l’intégration appelle aussi une référence à ce à quoi on s’intègre – qu’on serait bien en peine de décrire : à notre société émiettée, tribalisée, internationalisée (…) »
Quand on arrive à dépasser l’écriture aussi pompeuse que peu claire de Monsieur Tuot, on découvre que les concepts d’assimilation et d’intégration sont à rejeter comme étant stigmatisants : « Les défauts de l’intégration sont d’instrumentaliser ses destinataires en en faisant des sujets passifs, de supposer un parcours temporel qui se prête mal aux réalités des trajectoires personnelles hétérogènes, d’exiger de définir les publics qu’on sait observer mais pas subsumer sous une variable autre que celle dont on veut gommer les effets, qui stigmatise au moment où l’on veut que cesse le stigmate ».
Une société inclusive qui nie l’existence d’une culture française
Dans son esprit, notre société politique n’a pas de cohérence, pas plus qu’elle ne s’appuie sur une histoire, des idéaux ou des principes, elle se compose et se décompose en fonction des derniers arrivants. Il semble lui-même confondre accueil et conquête : « Les personnes concernées doivent en être aussi les acteurs, non dans la logique enfermant dans des droits et des devoirs, mais dans celle, collective, des efforts partagés : le vôtre, le mien pour que nous soyons Français ensemble. La société qui intègre se transforme autant qu’elle transforme celui qui s’intègre. »
Dans cette logique, n’exigeons rien des nouveaux entrants : « Notre horizon doit être l’ambition commune d’une société inclusive. ». L’auteur essaie ensuite de donner une définition de cette société inclusive qui peine à s’élever au-dessus de la bouillie de tapioca, et aboutit à un exposé de ce qu’est la culture française que ne renierait pas les Frères musulmans ! « Notre culture étant celle que nous élaborons, pas un stock fini de cathédrales et de musées où périclite une identité nationale passée, sans présent ni avenir ». Pourtant entre faire de la seule nostalgie du passé une culture nationale, ou vouloir en faire table rase pour la transformer en happening permanent, il y aurait un juste milieu à trouver. Mais Thierry Tuot révèle vite le fond de sa pensée, évoquant « la célébration du passé révolu d’une France chevrotante et confite dans des traditions imaginaires. »
On trouve également dans ce rapport nombre de commentaires complètement exaltés ou des prises de position partisanes qui n’ont pas leur place dans un rapport administratif. Commençons donc par le fait de voir un fonctionnaire se moquer de valeurs et de principes auxquels est portant adossée la légitimité du pouvoir qu’il est censé servir : « Encore plus périphérique, et stratosphérique même, l’invocation rituelle, chamanique des grands concepts et valeurs suprêmes. Empilons sans crainte – ni du ridicule ni de l’anachronisme – les majuscules les plus sonores, clinquantes et rutilantes : Droits et Devoirs ! Citoyenneté ! Histoire ! Œuvre ! Civilisation Française ! Patrie ! Identité ! France – On se retient pour ne point paraitre nihiliste : dans quel monde faut-il vivre, pour croire un instant opérante, la frénétique invocation du drapeau ? Depuis quand Déroulède a-t-il résolu un seul problème social ? » La frénésie que marque l’emploi de tant de points d’exclamation s’explique par l’excitation qu’éprouve le conseiller d’Etat à relier au fascisme, dans un document officiel, le terme de droits et devoirs, de citoyenneté, de patrie… En effet, Déroulède est considéré par certains historiens comme un précurseur du fascisme.
Déni des problèmes et mise en accusation de ceux qui les posent
Persuadé que la « question musulmane », comme il l’écrit lui-même est « pure invention de ceux qui la posent, ne cesse d’enfler et de polluer le débat public » il nie les dangers de l’islamisme et fait un parallèle entre « islamiste » et « laïciste » (p 62). Sur notre sol, l’islamisme a alterné massacres de masse et assassinats de proximité depuis le rapport. Des centaines de morts ont montré la valeur d’une telle équivalence. Les laïcistes se sont révélés au final mous du genou dans la défense sanglante de leurs intérêts… Et pourtant, ce parallèle stupide continue à être fait, notamment dans les rangs de l’extrême-gauche.
Sur la question de la femme, Tuot ironise en évoquant le fait que les pourfendeurs du statut de la femme dans l’islam ne parleraient jamais du péril catholique ou de la menace protestante. Peut-être parce que notre société est sécularisée, à l’inverse de la société musulmane? Il nie aussi le fait que la réaffirmation d’un sexisme visant à conquérir l’espace public se fait par le voile et que cette offensive-là est islamiste, voire islamique (page 63). Là encore, la révolte actuelle des femmes iraniennes offre un démenti et démontre à quel point cet homme est l’équivalent de la boussole qui indique le sud.
Une logorrhée victimaire comme base d’argumentation
Non seulement les propositions que Thierry Tuot faisait en 2013 ne correspondent en aucune façon aux attentes des Français et aux problématiques séparatistes que l’islamisme a installé sur notre sol, mais elles sont toujours mises en avant avec une logorrhée victimaire à la fois geignarde et agressive : « Les ascendants de Français, séjournant en France depuis longtemps (vingt cinq ans par exemple) devraient pour ce seul motif pouvoir devenir Français, à peine, pour nous, à défaut, de paraitre nous attacher à persécuter jusqu’à leur dernière heure, des parents, souvent des veuves ou des mères isolées pour lesquels la France est tout. » Il souhaite également que l’attribution de la nationalité soit automatique pour les mineurs clandestins scolarisés en France et veut créer un titre de tolérance pour les clandestins qui les amènerait à une régulation automatique au terme de cinq années.
Autre point ennuyeux : bien que la logorrhée inutilement complexe, le lyrisme au rabais et les phrases bancales nuisent certes souvent à la compréhension de son propos, il semble bien que Thierry Tuot appelait au transfert de la politique d’intégration dans la seule main des associations. Les communautaristes adoreraient, ils pourraient ainsi récupérer une manne financière pour gérer leurs communautés. Quand on connait l’influence des islamistes sur la sphère musulmane, leur aptitude au double langage et leurs entrées chez les politiques, une telle perspective serait un vrai booster de séparatisme. « Depuis un siècle nous ferraillons sur le trop et pas assez d’Etat (…). Et quand il s’agit de rien moins que la fabrique de la nation – ramener nos compatriotes au cœur de notre société sans leur reprocher leurs origines, ressouder le métal national dans le creuset républicain, alors les choses paraissent claires pour tout le monde : l’Etat n’a décidément rien à y faire. Tout- absolument tout – dépendra des associations. On les financera, soit on les encadrera par la loi (très peu). Mais quant à agir, la sphère publique n’y fera rien – rien du tout. »
Avec ce type de casting, une fois de plus, le gouvernement Macron montre son absence totale de fiabilité et surtout son manque de colonne vertébrale. A moins qu’une telle nomination soit révélatrice du renoncement à notre culture républicaine en faveur d’un glissement hypocrite vers un multiculturalisme à l’anglo-saxonne ou simplement la énième embardée erratique d’un président qui ne sait pas où il habite et qui ne comprend pas ce qu’est notre pays, ni ce que veulent ses habitants.
Avec une telle nomination, Emmanuel Macron démontre qu’il est finalement l’un des meilleurs artisans de l’explosion du plafond de verre en faveur de l’extrême-droite.
Selon Elisabeth Lévy, cette nomination interroge sur la prétendue fermeté de la future loi immigration du gouvernement
Retrouvez Elisabeth Lévy du lundi au jeudi dans la matinale de Sud Radio, après le journal de 8 heures.