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Immigration : les dossiers chauds de la rentrée


C’était la marque de fabrique de Nicolas Sarkozy. Depuis son accession au ministère de l’Intérieur en 2002 puis à l’Elysée en 2007, l’ex-chef de l’Etat n’a cessé de mettre le paquet sur l’immigration, du moins dans ses discours. Pour ses détracteurs, il a transformé la France en « machine à expulser », organisant des « rafles » contre les familles de sans-papiers. La création du ministère de l’immigration et de l’identité nationale fut le point d’orgue d’une politique que certains ont qualifié de « racolage » des électeurs FN.

Sur le papier, la gauche a rapidement promis de rompre avec ce lourd héritage et de se montrer plus humaine. A son arrivée Place Beauvau, Manuel Valls a mis fin à la rétention des enfants de sans-papiers. il a annoncé mercredi, devant la Commission des Lois du Sénat, une réforme des critères de naturalisation. La franchise de 30 euros pour accéder à l’Aide médicale d’Etat a été supprimée, le droit de vote des étrangers aux élections locales est annoncé pour 2013, le « délit de solidarité » devrait être abrogé…

Mais la gauche a vite été rattrapée par la réalité. Par la réalité politique d’abord, la gauche n’ayant pas la majorité des trois cinquièmes au Parlement, il lui sera donc impossible de réviser la Constitution et d’accorder le droit de vote aux étrangers. Il reste la possibilité de faire un référendum, irréaliste sur un sujet aussi brûlant.

Il y a aussi le réalisme social. Dans Le Monde, Manuel Valls a admis que « la situation économique et sociale ne permet pas d’accueillir et de régulariser autant (de sans-papiers) que certains le voudraient ». De nouveaux critères « précis, objectifs, compréhensibles » de régularisations « au cas par cas » devraient être établis par circulaire d’ici la rentrée. Selon Valls, ils porteront sur « les années de présence sur le territoire, les attaches familiales, la scolarisation des enfants, la situation par rapport au travail » tout en précisant que les régularisations ne seraient pas supérieures à celles pratiquée sous l’ancienne majorité soit 30 000 par an. Le discours clair et net de Valls est une évolution après les fausses promesses de Jospin qui n’a jamais abrogé les lois Pasqua-Debré et n’a finalement régularisé que 80 000 sans-papiers sur 143 000 demandes.

Pour autant, d’autres non-dits sont maintenus. Devant les sénateurs, le ministre de l’Intérieur a confirmé la mise en place d’ici le premier semestre 2013 d’un titre de séjour de 3 ans pour faciliter les démarches des immigrés. Mais il n’a pas précisé s’il serait réservé à une seule catégorie d’immigrés (travailleur, étudiant, conjoint de français, regroupement familial…) ou ouvertes à toutes. Il n’a pas dit non plus s’il remplaçait ou s’ajoutait aux multiples titres de séjour existants. Le diable se cachera dans les détails, et à moins de vouloir passer pour un démagogue laxiste, Valls ne pourra transformer sa nouvelle carte de séjour en appel d’air pour les immigrés.

Car qu’il le veuille ou non, Valls devra jouer les répressifs. Dès l’automne, il sera attendu sur le placement en garde à vue des sans-papiers. En effet, depuis le 5 juillet et un arrêt de la Cour de Cassation, il n’est plus possible d’interpeller et de placer en garde à vue des clandestins pour le seul motif de séjour irrégulier. La Cour s’est basée pour cela sur une directive européenne dite « directive retour » qui interdit l’emprisonnement des sans-papiers pour le seul délit de séjour irrégulier. Or, en droit français, seules les infractions punissables d’une peine d’emprisonnement peuvent justifier une garde à vue.

Le nœud du problème n’est donc pas la directive retour en elle-même qui n’interdit que l’emprisonnement des clandestins que la procédure pénale française qui restreint les possibilités de garde à vue. Si Valls veut vraiment « redonner un fondement légal » aux expulsions de sans-papiers, il devra créer un régime spécial pour les gardes à vue de sans-papiers. Bref, dès septembre, le premier débat migratoire de la majorité concernera l’arrestation des sans-papiers et la création de mesures dérogatoires à leur sujet. Un casus belli. Mais sans une telle réforme, il sera tout simplement impossible de faire respecter les lois en matière migratoire.

D’autres dossiers attendent encore le ministre de l’Intérieur qui prétend que « l’éloignement des étrangers en situation irrégulière doit rester la règle ». Actuellement, près de 75% des décisions d’expulsion ne débouchent pas sur un réel retour au pays. Une des causes principales est le refus des pays d’origine. Ces derniers doivent délivrer un « laisser-passer consulaire » pour que le clandestin puisse retourner dans son pays.

Mais seuls un tiers des pays concernés délivrent le fameux sésame. Parmi les mauvais élèves, l’Irak et l’Afghanistan, au vu de la situation politique tendue et des carences de l’administration, la Chine et la Russie, qui ont les moyens de jouer les gros bras face à la France, ou le Mali, qui compte sur la puissance économique de sa diaspora. En leur temps, Guéant et Sarkozy avaient tenté de taper du poing sur la table, sans effet. Une des solutions fut de signer des accords bilatéraux avec certains pays mais les négociations avec le Mali, par exemple, ont toujours échoué.

Là est le problème. Les expulsions de sans-papiers coûtent cher (placement en garde à vue puis éventuellement en rétention, mobilisation de la justice pénale et administrative…) mais n’aboutissent pas la plupart du temps. Face à cela, Valls pourrait se contenter de jeter l’argent par les fenêtres ou alors agir pour améliorer les statistiques des expulsions. En clair, le vrai défi de Manuel Valls ne sera pas de mettre en place une politique « humanitaire » après la politique « répressive » de Sarkozy mais plutôt une politique claire et efficace après la politique brouillonne et sans effet de l’ex-chef de l’Etat. Le changement, oui Mais pas celui qu’on croit.

*Photo : fondapol



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