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Ils sont partout !


Ils sont partout !

L’antisem, l’anti-antisem, Causeur en a ras la casquette. 93,7 % de l’espace public en est saturé, on n’en peut plus, ça suffat comme ci. Voilà mille ans que je et d’autres le pensent, la Lévy s’y met et pourtant ça ne va pas s’arrêter là, le four va continuer à chauffer, chauffer.

Il lève le doigt et il demande, pourquoi ? Pourquoi qu’on ne parle que d’eux, en bien, en mal et en voiture ? Prenez Obama, s’il y en un qui n’a rien à voir avec tout ce binz c’est bien lui, le pauvre. Pas un arrière-arrière petit cousin qui le soit. De ce côté-là, blanc comme neige l’Obama, innocent comme l’innocence. Fouillez ses origines, depuis Adam, pas une kipa à se reprocher. Un type, comment dire… normal. Eh bien, vous le croirez ou pas, ils l’ont embringué. La première à le détecter à Chicago c’est une Esther Goodman (un nom de ce genre). Elle a alerté son pote David Axelrod, prospère négociant en politique qui a pris par la main le nationaliste noir surdoué jusqu’à la Maison Blanche. Ajoutez-y Rahm Emmanuel, sous-officier à Tsahal en cas d’urgence, fils d’un sectateur de l’Irgoun, aujourd’hui numéro deux à Washington et vous n’en aurez pas fait le tour. Ils pullulent autour d’un Barack Hussein qui dans sa jeunesse devait mettre Ben Gourion et Goering dans le même sac. Alors là, une supposition, vous êtes un Français normal ou un Arabe ou un Patagon, vous vous grattez la tête. Ok, chez vous, pas un virus d’antisem visible au microscope, mais, ne me dites pas, y a un lézard. Pourquoi eux et pas les Arméniens, les Finlandais, les Gitans ? Pourquoi eux ? Toujours eux ? Forcément, ça jase.

Les intellos dans ce pays, on les ramasse à la pelle. Universités, journaux et éditeurs ne savent plus qu’en faire. Mais au podium, ils ne sont que trois : BHL, médaille d’or, Finkielkraut et Gluksmann. Il aurait pu y en avoir un qui ne le soit pas. Il aurait pu… mais tous les trois le sont. Coïncidence ? On ne relève pas mais on tousse.

Notre diplomatie ? Rien de plus vieille France, n’est-ce pas ? Deux hommes à la barre. L’un, le président, l’est par la mère, l’autre, le ministre, par le père. Et je vous dis pas aux échelons inférieurs.

DSK ou Fabius auraient pu se trouver face à Sarko en 2007. Vous voyez le spectacle avec El Kabbache intervieweur ? Et Madoff ? Et le procès du Sentier. Et tous ces mafieux réfugiés à Tel Aviv ? Je ne vais pas vous infliger l’annuaire de la juiverie, ce serait limite équivoque et franchement de mauvais goût. Mais l’annuaire, ne vous la racontez pas, ils l’ont tous en tête. Et quand je dis ils, je pense vous, et malheur à moi, je pense moi. Le mauvais goût étant la chose au monde la mieux partagée, vous imaginez un peu tout ce que les gens ruminent, tout ce qu’ils se gardent pour eux. Je serais les gens, je bouillerais.

Dieu n’existe pas mais, grâce à Dieu, Israël existe. C’est un Etat comme un autre, non ? On a bien le droit de le « critiquer », non ? Un gouvernement criminel, assassin d’enfants, de vieillards, de femmes. Les faits sont parfaitement documentés, établis par la Croix-Rouge, des Israéliens honnêtes le reconnaissent eux-mêmes. Cet Etat doit être mis au ban des nations, ses dirigeants et ses soldats sanguinaires trainés devant les tribunaux et justement châtiés.

Israélites et Israéliens (appelez les comme vous voudrez, moi je confonds toujours) aiment Israël. Ils ne devraient peut-être pas mais les sentiments, vous savez, c’est comme la bandaison, ça ne se commande pas. Ils trouvent que les Autres y vont un peu fort. Les Autres y voient complicité pour ne pas dire collusion criminelle. Rien de plus logique.

La Russie a arraché à la Finlande, en 1945, la Carélie, le cœur sacré de la nation. Tous les Finlandais ont été expulsés de cette région peuplée désormais exclusivement de Russes. Vous avez entendu parler de la Carélie ? La Finlande est devenue un modèle de modernité (Nokia) et ne veut à aucun prix récupérer la Carélie même si on lui en fait cadeau. Trop de Russes. L’Azerbaïdjan musulmane a été amputée du quart de son territoire, le Nagorny-Karabakh au profit de l’Arménie en 1993. Tous les Azéris ont été virés. Vous situez le Nagorny-Karabakh ? Les Chinois ont barboté à la Malaisie musulmane la région de Singapour et en ont fait un pays somptueux. Les Malais n’ont eu qu’à s’en féliciter et ont tiré profit de l’essor singapourien. Un problème ? On peut recenser deux, trois douzaines de Palestine rien que sur notre planète. Aucune ne bouleverse les cœurs. Seul le mouchoir qu’ont investi les juifs (sûrement à tort), s’est incrusté sur la conscience universelle comme un meurtre déicide. Pas une âme qui n’ait son opinion sur la question, une opinion raisonnable : les juifs sont des tueurs d’enfants, chaque jour est là pour le prouver. On ne rappelle pas leur antique tradition infanticide, ce serait malpoli. Ce qu’on reproche à l’Etat juif, ce n’est pas d’être un Etat, c’est d’être juif.

Freud avait tout compris : le problème c’est le refoulement. L’antisémitisme hantait depuis des siècles l’esprit européen. S’il n’avait pas mal tourné avec Hitler il prospérerait encore, n’en doutez pas. Après les procès de Nuremberg, il est devenu délinquant, déshonorant écrivait Bernanos. On n’a tout simplement plus le droit d’être antisémite, vaut mieux être pédophile qu’antisémite. Et, effectivement, il a disparu du paysage.

Sérieusement, vous croyez que ces choses-là s’envolent par magie sous l’effet du verdict d’un tribunal mal embouché ? Matériellement, physiquement impossible. On l’est mais on ne veut pas l’être et on croit vraiment qu’on ne l’est pas donc on ne l’est plus mais on le reste et, pour traiter ce syndrome, depuis le décès du docteur Sigmund, la médecine de qualité se raréfie. Ne vaudrait-il pas mieux laisser les gens lâcher ce qu’ils ont sur le cœur. Plutôt que de m’accuser d’avoir égorgé mille trois cents mouflets en trois semaines, qu’ils m’assènent franco : Ta gueule ne me revient pas, casse-toi tu pues. Là, il y a de quoi causer. Peut-être qu’on n’arrivera pas à s’entendre et qu’il me faudra aller voir ailleurs si j’y suis, mais au moins je saurai pourquoi. La dernière fois que, pour le même motif, j’ai eu à m’expatrier, je n’y ai rien compris. Cette fois, on vit en démocratie, j’aimerais mieux qu’on s’explique. Pour le plaisir de la conversation.

Février 2009 · N°8

Article extrait du Magazine Causeur



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Guy Sitbon, ex-journaliste au Nouvel Obs, est chroniqueur à Marianne.

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