Ma grand-mère paternelle ne comprenait rien au foot. C’est le seul héritage qu’elle m’a légué. La Mazie disait : « Pourquoi ne leur donne-t-on pas un ballon à chacun ? » Riez. Mais l’on peut se demander quelle avarice a poussé la France à ne pas donner une balle à chaque joueur français envoyé ces derniers-jours en Afrique du Sud, vu que ce n’est pas une équipe que nous avons expédiée là-bas, mais des starlettes qui auraient été fort aise de pouvoir dribbler leur baballe dans leur coin. Passons.
Passons, mais n’ayons pas la mémoire aussi courte qu’un short de footballeur. En 1998, la victoire de l’Equipe de France au Mondial avait déchaîné un torrent de ferveur populaire et de commentaires d’une hauteur de vue qui n’était pas sans rappeler les heures les plus claires de la « grande politique » nietzschéenne : la nation, disait-on, ne tirait de légitime existence qu’autour d’un stade et l’identité nationale se ressourçait en allant lécher le vert d’un gazon. On épargnera de citer les noms des brillantissimes intellectuels – certains sont, paraît-il, encore en vie –, qui vous faisaient la leçon, entonnant le Frankreich über alles sur l’air de la France black-blanc-beur.
Mexique-France : la catastrophe
Et puis, grand Dieu, la catastrophe. L’Afrique du Sud et un match déplorable contre le Mexique, dont l’équipe, contrairement à celle de la France, n’était pas uniquement composée de généraux, comme toute armée mexicaine pourtant l’exige. Si le football a quelque utilité dans la vie d’une nation, alors ayons l’honnêteté de dire que la pâtée infligée aux Français n’a pas vengé Camerone. Et qu’au contraire, cette nouvelle péripétie n’est qu’une dégradation supplémentaire de l’esprit national, comme l’aurait dit Maurras, qui était encore plus nul que moi en foot.
Et encore, le 30 avril 1863, la Légion étrangère avait résisté comme jamais aucune armée n’avait tenu une place dans l’histoire, au point qu’aujourd’hui les militaires mexicains font le salut militaire chaque fois qu’ils passent devant le monument édifié à Camerone. Eh bien là, non. Si les footballeurs français ont résisté à quoi que ce soit, c’est à l’effort et à la volonté. Et là, ils ont été les champions.
Une nation, le football jamais ne la fera exister. Ce n’est pas qu’elle soit une chose trop importante pour être confiée à des types qui fréquentent des bars à pute. C’est que le sentiment national échappe à ce genre de compétitions et à ce genre de systèmes, qui sont l’éclat le plus vif de la société du spectacle et de la société de consommation.
La nation se joue à domicile, pas sur des stades synthétiques, mais sous les vertes bruyères et les genêts changeants. Il lui faut la terre et les morts. Car eux-seuls, en fin de compte, nous apprennent quelque chose du match final et de ses résultats.
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